À l’occasion de l’Aïd al-Fitr, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 1 533 personnes condamnées par différents tribunaux du Royaume. Parmi elles, certaines étaient en détention, d’autres en liberté. Si cette mesure de clémence royale est traditionnelle à chaque grande fête religieuse, elle revêt cette année une dimension particulière : le nom d’Abdelkader Belliraj figure parmi les bénéficiaires.
Ce Belgo-marocain, condamné à la réclusion à perpétuité en 2009, purgeait sa peine à la prison de Loudaya, près de Marrakech. Il avait été arrêté en 2008 dans le cadre d’un vaste coup de filet sécuritaire, qui avait conduit à l’arrestation de 35 personnes, accusées de former une organisation terroriste communément appelée la « cellule Belliraj ».
Cette affaire, l’une des plus médiatisées de l’histoire récente du Royaume, impliquait des accusations lourdes : planification d’attentats au Maroc, blanchiment d’argent, trafic d’armes, et même projets de sabotage en Europe. La cellule, selon les autorités, préparait des attaques visant à semer l’instabilité dans le pays, s’appuyant sur des connexions internationales et un financement suspect.
Une affaire à forte résonance politique et judiciaire
Dès le début, le dossier Belliraj a suscité de vives réactions, notamment de la part d’organisations internationales de défense des droits humains. En 2010, Human Rights Watch avait remis en cause la validité des condamnations, évoquant des aveux extorqués sous la torture. Cette critique avait ravivé le débat sur les procédures antiterroristes, les garanties judiciaires et les conditions de détention au Maroc.
Malgré la libération anticipée de certains membres de la cellule dès 2011, Belliraj est resté en détention, purgeant une peine ramenée à 25 ans de prison. Son nom est devenu, pour certains, le symbole d’une justice antiterroriste marquée par des zones d’ombre ; pour d’autres, celui d’un homme dangereux, impliqué dans des activités extrémistes menaçant la sécurité nationale.
Un geste royal à portée politique ?
La grâce accordée à Abdelkader Belliraj pourrait s’inscrire dans une logique d’apaisement, voire de réconciliation. Ce n’est pas la première fois que le roi Mohammed VI fait preuve de clémence dans ce dossier : en 2020 déjà, deux autres membres de la même cellule, condamnés à 15 et 30 ans de prison, avaient bénéficié d’une mesure similaire.
Cependant, cette décision risque de relancer les débats sur l’équilibre entre sécurité, justice et droits humains au Maroc. Elle intervient dans un contexte où la monarchie cherche à affirmer à la fois son autorité morale et sa capacité à tourner la page sur certaines affaires sensibles, sans renier les principes de fermeté face au terrorisme.
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Plutôt que de gracier l’individu, il aurait pu être placé sous contrôle judiciaire
A moins qu’il soit vraiment innocent