Les services de contrôle de l’Autorité Nationale des Informations Financières (ANIF) ont lancé des enquêtes approfondies concernant des soupçons de blanchiment d’argent par le biais de fonds de commerce. Cette initiative fait suite à la détection de risques potentiels dans des transactions de transfert de propriété à Tanger et Casablanca, impliquant des cafés, restaurants et annexes de divertissement. Une transaction en particulier a atteint une valeur de 50 millions de dirhams (5 milliards de centimes).
D’après des sources bien informées, les résultats préliminaires ont révélé que les suspects ont utilisé des contrats non authentifiés enregistrés chez des adouls (notaires traditionnels) pour effectuer les ventes avant de finaliser les procédures auprès des greffes des tribunaux de commerce. Des comptables seraient également impliqués, facilitant ces transactions grâce à leur expertise et leurs relations avec des employés pour traiter les dossiers de transfert et de modification des données de propriété, conformément aux lois en vigueur.
Les mêmes sources indiquent que l’ANIF a reçu des informations selon lesquelles les montants des transactions suspectes dépassaient largement leur valeur réelle sur le marché. L’inadéquation entre la date et l’ancienneté des fonds de commerce et les montants de vente a renforcé les soupçons de blanchiment d’argent sous une couverture légale. Les fonds de commerce concernés, transférés par des contrats non authentifiés chez des adouls, ne présentaient ni hypothèques ni dettes, facilitant leur cession sans procédures administratives complexes.
La loi n° 15.95 relative au Code de Commerce régit les ventes de fonds de commerce. L’article 81 stipule que ces transactions doivent être effectuées par acte authentique ou non authentique, et le prix de vente doit être déposé auprès d’une entité habilitée à conserver les dépôts. Le contrat doit mentionner le nom du vendeur, la date et la nature du transfert, le prix, ainsi que la répartition du prix entre les éléments incorporels, les marchandises et les équipements, et l’état des privilèges et hypothèques sur le fonds.
Les enquêtes ont identifié certains acheteurs de ces fonds de commerce, certains ayant des nationalités étrangères en plus de leur nationalité marocaine, résidant de manière non habituelle au Maroc et possédant des biens au Maroc et à l’étranger. Ces informations ont été obtenues grâce aux données précises du Bureau de Change, via les canaux de communication électronique entre les administrations partenaires. Plusieurs suspects n’ont pas encore déclaré leurs biens à l’étranger dans le cadre de l’amnistie fiscale qui se termine en décembre prochain.
Il est à noter que l’ANIF a reçu un total de 5 171 déclarations de suspicion de blanchiment d’argent en une seule année et a transmis 54 dossiers aux procureurs des tribunaux de première instance de Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech, ainsi qu’au procureur général près la Cour d’appel de Rabat. Tous ces dossiers concernent des actes suspects de blanchiment d’argent, de crimes sous-jacents et de financement du terrorisme.