Au Royaume-Uni, l’affaire Mohamed Al-Fayed fait l’effet d’une bombe. Au moins 37 femmes accusent l’ancien propriétaire du grand magasin Harrods à Londres et de l’hôtel Ritz à Paris de viols et d’agressions sexuelles. Bien que décédé en août 2023, l’homme d’affaires d’origine égyptienne est désormais au centre d’une action au civil, intentée par les avocats des victimes contre Harrods pour manquement « abject » à la responsabilité d’entreprise.
Les avocats des plaignantes dénoncent un « système de prédation » qui aurait permis à Mohamed Al-Fayed d’agir impunément pendant près de 25 ans. Certaines des victimes, issues d’Australie, de Malaisie, d’Italie et des États-Unis, étaient mineures au moment des faits. Beaucoup d’entre elles travaillaient pour le célèbre grand magasin londonien lorsqu’elles ont subi les abus.
L’avocat Dean Armstrong, lors d’une conférence de presse tenue à Londres, a comparé cette affaire à celles qui ont éclaboussé les Américains Jeffrey Epstein et Harvey Weinstein. « Mohamed Al-Fayed était un monstre qui a pu agir grâce à un système mis en place et établi par Harrods », a-t-il déclaré. Il a également précisé que l’action se focalisait sur Harrods pour sa responsabilité collective d’entreprise, soulignant qu’il disposait de preuves indiquant un schéma d’agressions répétées.
Cette conférence de presse s’est tenue au lendemain de la diffusion d’un documentaire de la BBC intitulé « Al-Fayed : un prédateur chez Harrods », où une vingtaine de femmes ont témoigné, exposant des années de silence et de souffrance. Une dizaine d’entre elles étaient présentes à la conférence, manifestant leur volonté d’obtenir justice.
La direction actuelle de Harrods, rachetée par le Qatar en 2010, a réagi en « condamnant fermement » le comportement de son ancien propriétaire. Elle a présenté ses excuses pour avoir failli à protéger ses employées. Le grand magasin a déjà conclu des accords amiables avec certaines des victimes qui se sont manifestées depuis le début de l’année 2023. Toutefois, de nouvelles plaintes continuent d’affluer depuis la diffusion du documentaire.
Le Ritz Paris, autre propriété de Mohamed Al-Fayed, a également réagi par le biais d’un communiqué à l’AFP, affirmant « condamner fermement toute forme de comportement non conforme aux valeurs de l’établissement ». L’hôtel parisien s’est engagé à promouvoir un environnement de travail respectueux et intègre pour ses employés et ses clients.
Les avocats des accusatrices ont promis de poursuivre leur combat pour obtenir justice, appelant d’autres victimes potentielles à se manifester. Ils ont insisté sur le fait que cette action ne visait pas seulement des compensations financières, mais avant tout la reconnaissance des souffrances endurées par les victimes et la dénonciation des dysfonctionnements au sein de l’entreprise.
Ce n’est pas la première fois que Mohamed Al-Fayed est au centre de telles accusations. En 2015, la police britannique avait déjà ouvert une enquête sur des allégations similaires, mais aucune inculpation n’avait été prononcée contre le père de Dodi Al-Fayed, le dernier compagnon de la princesse Diana.
Si cette affaire soulève de nombreuses interrogations sur la gestion de Harrods sous le règne de Mohamed Al-Fayed, elle rappelle également que la quête de justice pour les victimes d’abus sexuels ne s’arrête pas à la mort de l’accusé. Les victimes, elles, continuent de se battre pour que leurs voix soient entendues, pour que des mesures soient prises afin de protéger les futures générations, et pour que justice soit rendue, même tardivement.