À peine constitué pour tenter de sortir le pays d’une longue crise politique, le gouvernement de Michel Barnier, coalition fragile entre macronistes et droite républicaine, est déjà confronté à une tempête politique. À gauche comme à l’extrême droite, les critiques fusent, menaçant la survie de cet exécutif qui doit jongler avec des alliances délicates. Les 39 nouveaux ministres entreront officiellement en fonction lundi, lors des passations de pouvoir prévues dans la matinée, suivies d’un premier Conseil des ministres à l’Élysée, sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Dès ce week-end, les nouvelles figures du gouvernement se sont retrouvées sous les projecteurs. Le Premier ministre Michel Barnier a profité des Journées du patrimoine pour aller à la rencontre des Français à Matignon. De son côté, le président Emmanuel Macron, désormais contraint de partager certaines de ses prérogatives en raison de cette coalition inédite, a prononcé un discours sur les thèmes des conflits et de la paix à Paris, devant la communauté Sant’Egidio, une organisation proche du Vatican.
Cette nouvelle équipe, annoncée vendredi, est dominée par les membres du parti présidentiel Renaissance, mais laisse aussi une place importante aux Républicains. Ces derniers, pourtant affaiblis après des législatives tendues marquées par une dissolution controversée de l’Assemblée nationale, ont réussi à s’intégrer dans ce gouvernement de coalition.
Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, issu des rangs conservateurs, s’est empressé de clarifier sa position en annonçant sur le réseau social X : « Les Français n’attendent qu’une chose des responsables publics : des résultats. Je suis donc là pour agir, avec un seul mot d’ordre : rétablir l’ordre pour assurer la concorde. » Ses propos, fermes sur les questions d’immigration et de sécurité, ont suscité de vives réactions, non seulement à gauche, mais également au sein de l’aile modérée de la majorité présidentielle.
Le portefeuille économique a été confié au jeune macroniste Antoine Armand. Dans une interview accordée au Journal du dimanche, il n’a pas exclu « certains prélèvements exceptionnels et ciblés » pour faire face aux défis budgétaires du pays, tout en promettant de « baisser la dépense publique ». L’élaboration du budget 2025, déjà en retard, est une priorité pour le nouveau gouvernement. Pour superviser ce dossier sensible, le Premier ministre a placé sous sa tutelle directe Laurent Saint-Martin, ministre des Comptes publics.
Parmi les personnalités conservées au sein de l’équipe gouvernementale, Rachida Dati reste en charge de la Culture, tandis que Sébastien Lecornu conserve le ministère des Armées. Le MoDem Jean-Noël Barrot a été promu ministre des Affaires étrangères, et Catherine Vautrin prend les rênes des Territoires, tandis qu’Agnès Pannier-Runacher s’occupe du ministère de la Transition écologique et de l’Énergie.
La nomination surprise de la députée Renaissance Anne Genetet à l’Éducation a fait grand bruit, car elle n’est pas spécialisée dans ce domaine. De plus, seule prise issue de la gauche, Didier Migaud a été nommé ministre de la Justice, malgré son retrait de la scène politique depuis plus de dix ans.
Ce gouvernement de centre-droit est déjà sous tension, avec des critiques venant des rangs mêmes de la majorité présidentielle, certains le trouvant trop droitière. À gauche, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a dénoncé un « bras d’honneur à la démocratie ». Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, a quant à lui appelé à se « débarrasser aussitôt que possible » de ce « gouvernement des perdants ».
De l’autre côté de l’échiquier politique, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a lui aussi critiqué la nouvelle équipe, estimant qu’elle « n’a aucun avenir ». Avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, la coalition de Michel Barnier devra composer avec des adversaires déterminés et des alliés méfiants, dans un contexte où chaque vote pourrait faire basculer le destin de ce gouvernement naissant.