La récente décision de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), concernant l’annulation de plusieurs accords commerciaux avec le Maroc, ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre Rabat et Bruxelles. Cet arrêt est directement lié à la question sensible du Sahara marocain, soulevant des interrogations sur l’avenir des échanges économiques entre le Maroc et les 27 États membres de l’Union Européenne. Cette décision juridique a de nombreuses implications et pourrait redéfinir, voire compliquer, les relations commerciales entre les deux partenaires.
D’après Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, la décision de la CJUE concerne l’ensemble des États membres de l’UE, qui doivent s’y conformer. Cependant, elle ne doit pas être surestimée dans son impact global sur les relations Maroc-UE. Les accords commerciaux existants qui ne concernent pas directement les provinces sahariennes continueront d’être respectés. Des secteurs stratégiques comme l’automobile, l’industrie, ou encore les services financiers, devraient donc rester épargnés. Néanmoins, l’arrêt crée une incertitude autour des accords commerciaux en cours de négociation, tels que l’accord de libre-échange complet et approfondi. Cette décision pourrait retarder, voire suspendre, les discussions à ce sujet.
Le dossier le plus affecté par cet arrêt reste celui de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union Européenne, qui avait déjà expiré en juillet 2023. Cet accord, renouvelé tous les quatre ans depuis 2006, permettait à l’UE de pêcher dans les eaux marocaines, y compris celles des provinces sahariennes. Face à la décision de la CJUE, le Maroc a réitéré son refus de conclure tout nouvel accord commercial qui ne prendrait pas en compte la totalité de son territoire. Cette position ferme crée une zone d’incertitude, non seulement pour les accords de pêche, mais également pour d’autres secteurs économiques dépendant des échanges avec l’Europe.
Mohamed Badine El Yattioui, expert en études stratégiques, estime que cette décision reflète une incohérence au sein de l’Union Européenne. D’un côté, plusieurs États membres, comme l’Espagne, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont exprimé leur soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour résoudre la question du Sahara. D’un autre côté, la CJUE soutient les séparatistes du Polisario en annulant des accords incluant le Sahara marocain. Cette situation crée une friction entre les décisions politiques des États et les jugements de la cour européenne.
Face à cette situation, le Maroc poursuit une stratégie de diversification de ses partenaires économiques. Tout en maintenant ses liens avec l’UE, Rabat cherche à renforcer ses relations commerciales avec des pays comme le Royaume-Uni, la Chine, l’Inde ou encore les membres du Mercosur en Amérique latine. Le Maroc mise sur une diplomatie économique gagnant-gagnant pour trouver de nouveaux débouchés et s’assurer une résilience économique face aux tensions avec l’Europe.
Dans les mois à venir, il sera crucial pour le Maroc et l’Union Européenne de redéfinir les bases de leur partenariat, en cherchant des formules innovantes et équilibrées pour maintenir des relations commerciales fortes et éviter de nouveaux blocages.