Continent unique, sans présence humaine permanente, l’Antarctique reste un sanctuaire naturel aux écosystèmes préservés. Ce territoire recèle des ressources précieuses, longtemps protégées de l’exploitation, et dont la biodiversité repose en grande partie sur la richesse de ses eaux glacées. Cependant, cette zone autrefois épargnée attire désormais les convoitises de plusieurs nations, prêtes à exploiter ses ressources uniques. Parmi elles, le krill, minuscule crustacé au rôle vital pour la chaîne alimentaire marine, est aujourd’hui au cœur de tensions internationales, menaçant ainsi l’équilibre fragile de cet écosystème exceptionnel.
Une ressource clé pour la biodiversité marine
Le krill, qui se nourrit de phytoplancton, se trouve à la base de la chaîne alimentaire dans les eaux antarctiques. Son importance pour l’écosystème est cruciale, mais il est également très convoité par la pêche industrielle. Si le krill n’est pas destiné à la consommation humaine directe, il est transformé en farine animale, notamment pour nourrir les poissons d’élevage comme le saumon, très prisé dans le monde entier. Il est aussi utilisé pour la fabrication d’appâts de pêche et dans certaines applications pharmaceutiques.
Le rôle de la CCAMLR dans la protection de l’Antarctique
Jusqu’à récemment, la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), un organisme regroupant 26 pays, jouait un rôle de premier plan dans la préservation de cet écosystème fragile. La CCAMLR avait limité les captures annuelles de krill à 620 000 tonnes pour quatre zones côtières au nord de l’Antarctique. Mais lors de sa dernière réunion en octobre en Tasmanie, la Chine, soutenue par la Russie, a opposé son veto au renouvellement de cette mesure.
Ce blocage met également fin à la création de nouvelles zones marines protégées autour du continent. Cette décision, perçue comme une attaque directe contre les accords de protection de l’Antarctique, soulève l’inquiétude des experts de la biodiversité qui craignent une dégradation de la chaîne alimentaire marine.
Une bataille économique et stratégique
Les enjeux autour de la pêche au krill reflètent une compétition économique et stratégique entre puissances. La Russie, qui a déjà exploré les potentiels pétroliers de l’Antarctique, estime qu’elle pourrait y extraire jusqu’à 511 milliards de barils. Cependant, c’est bien la pêche au krill qui pose une menace plus immédiate. Selon Lyn Goldsworthy, chercheuse à l’Université de Tasmanie, la Chine a adopté une stratégie de long terme pour développer cette pêche. Pékin prévoit de déployer cinq navires spécialisés dans la capture du krill, dont quatre sont presque prêts.
D’autres pays suivent le mouvement, prêts à tirer profit des ressources de l’océan Austral. La Corée du Sud dispose de trois navires-usines à krill, la Norvège en possède quatre, tandis que le Chili, l’Ukraine et la Russie disposent chacun d’un navire. Une expansion de la flotte de pêche au krill pourrait compromettre l’équilibre de la chaîne alimentaire marine dans cette région.
L’Antarctique, un enjeu global
La situation actuelle rappelle l’importance cruciale de l’Antarctique, non seulement pour la biodiversité locale, mais aussi pour l’équilibre écologique global. La pression croissante de la pêche industrielle et des activités d’exploration menace de faire vaciller ce fragile sanctuaire. Les défenseurs de l’environnement appellent à une régulation plus stricte et à une vigilance internationale pour préserver cet écosystème unique.