Lors de la présentation du budget de son ministère devant la Commission de justice et de législation à la Chambre des conseillers, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, a abordé des sujets brûlants liés aux droits humains, au populisme et aux défis auxquels le système judiciaire marocain fait face. Ses déclarations ont suscité de vifs débats et mis en lumière des tensions entre différentes visions sociétales et politiques au Maroc.
Critique des associations de droits humains et du populisme
Le ministre a vivement critiqué certaines associations de défense des droits humains, affirmant que les véritables organisations sérieuses ont été marginalisées au profit de mouvements populistes. « Les associations authentiques doivent reprendre leur place et défendre leurs idées dans l’espace public », a déclaré Ouahbi, dénonçant ceux qu’il considère comme ayant détourné le discours des droits humains à des fins populistes.
Il a également exprimé son mécontentement face aux débats superficiels sur des questions complexes comme la laïcité. « Un concept tel que la laïcité ne peut être discuté dans les cafés », a-t-il ajouté en réponse aux critiques adressées au ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq. Selon Ouahbi, des discussions sérieuses et documentées sont nécessaires pour aborder ces sujets, loin des slogans simplistes.
Les défis du système judiciaire face aux réseaux sociaux
Ouahbi a identifié les réseaux sociaux, en particulier Facebook, comme une menace majeure pour le système judiciaire marocain. Il a dénoncé la prolifération de critiques contre les jugements, souvent relayées par des individus sans qualifications juridiques. Ces accusations alimentent, selon lui, une défiance généralisée envers les institutions judiciaires.
Pour y remédier, le ministre a annoncé des mesures dans le nouveau code pénal, comprenant des sanctions sévères contre les crimes numériques et les atteintes à la dignité via les réseaux sociaux. « La liberté d’expression ne signifie pas faire ce que l’on veut », a-t-il insisté, appelant à une réglementation stricte pour protéger l’intégrité des institutions.
Réforme judiciaire et modernisation des services
Le ministre s’est engagé à moderniser le système judiciaire en introduisant la numérisation des services dans les tribunaux. Une nouvelle mesure obligera les visiteurs des palais de justice à scanner leur carte d’identité avant d’entrer, permettant ainsi un suivi des visites répétées. Cette initiative vise à identifier les comportements frauduleux et à réduire les abus dans les services judiciaires.
Par ailleurs, Ouahbi a partagé un dilemme concernant un détenu de 90 ans, condamné à la perpétuité après avoir commis des crimes graves. Il a plaidé pour sa libération en raison de son état de santé, mais a reconnu que la pression sociale et les critiques sur les réseaux sociaux compliquent de telles décisions.
Populisme et rôle des responsables politiques
Le ministre a aussi critiqué l’influence grandissante du populisme dans le discours politique marocain. Selon lui, certains leaders politiques adoptent des positions populistes pour séduire l’opinion publique, alimentant ainsi une perception erronée selon laquelle tous les responsables sont corrompus. « La superficialité avec laquelle certains manipulent les textes de loi reflète un véritable analphabétisme juridique », a-t-il déploré.
Ouahbi a appelé les acteurs politiques à s’armer d’une rigueur intellectuelle pour distinguer les critiques légitimes des discours populistes visant à déstabiliser les institutions.
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