En abordant un sujet demeuré tabou pendant des décennies, celui des « Chikhates », le réalisateur s’est voulu sincère et empathique en éliminant les clichés et les a priori, pour rendre hommage à ces troupes de chanteuses populaires, souvent associées à tort à la prostitution.
Dans le film touchant « Everybody Loves Touda », présenté précédemment au Festival de Cannes dans la sélection officielle, le cinéaste explore ce phénomène en prenant des risques, puisqu’aucun autre réalisateur ne l’avait traité sous l’angle du cinéma-vérité.
Magnifiquement interprété par Nisrine Radi dans le rôle de la cheffe d’une troupe, l’actrice donne plus de poids à cette entreprise de réhabilitation de ce métier noble, qui allie militantisme, poésie, chants et divertissement, exercé dans des ambiances familiales avant tout.
Pour s’en inspirer, Nabil Ayouch s’est longtemps immergé dans le milieu de ces chanteuses et en a gardé des impressions bouleversantes. Il s’en est suivi un long travail de réflexion sur la manière d’aborder le sujet, y compris en prenant le risque de heurter des sensibilités.
Le résultat à l’écran est une réussite, avec un scénario bien documenté évitant les sous-entendus, y compris dans les dialogues.
Le film est bien servi, par ailleurs, et de manière inattendue, par une brochette d’acteurs pour la plupart non confirmés mais bien dirigés dans des rôles difficiles, tous réunis autour du réalisateur pour rendre hommage à ces artistes féminines, mal récompensées par la tradition.
En voulant rendre aux Chikhates leur dignité et en militant pour l’émancipation des femmes, Nabil Ayouch s’éloigne du registre de ses précédents films, avec l’espoir que le public accueille Touda dans son estime, au nom de toutes celles qui ont souffert pour leur passion et leur art.
Par Jalil Nouri