Le débat sur les modalités d’exercice du droit de grève continue de diviser les acteurs politiques, syndicaux et économiques au Maroc. Adopté en décembre 2024 par la Chambre des représentants, le projet de loi organique n°97.15, qui fixe les conditions et modalités d’exercice de ce droit constitutionnel, suscite une vive opposition parmi les centrales syndicales, à l’exception notable de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM). À l’approche d’une manifestation nationale prévue ce dimanche 19 janvier 2025 à Rabat, organisée par le Front national pour la défense du droit de grève, le gouvernement tente de désamorcer les tensions.
Une marche nationale pour défendre un droit constitutionnel
Plusieurs syndicats, dont l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) et la Confédération démocratique du travail (CDT), se sont réunis pour appeler à une marche nationale à Rabat. Le cortège partira de Bab El Had, parcourant les principales artères de la capitale jusqu’au Parlement. Ce rassemblement vise à dénoncer les restrictions jugées excessives imposées par le projet de loi et à exiger un véritable dialogue social.
Le texte, s’il ne prévoit plus de sanctions pénales directes, maintient l’ombre de l’article 288 du Code pénal, qui punit de peines d’emprisonnement et d’amendes les actions jugées nuisibles à la liberté de travail. Pour les syndicats, cette disposition représente une menace persistante contre les mouvements sociaux.
Le gouvernement ouvert au dialogue
Malgré ces oppositions, le gouvernement tente d’afficher une posture de conciliation. Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, a réaffirmé l’engagement de l’exécutif à interagir positivement avec les amendements proposés par la Chambre des conseillers. « Ce texte est essentiel pour garantir un droit de grève organisé tout en préservant l’intérêt général et la liberté du travail », a-t-il déclaré jeudi dernier lors des discussions en commission.
Des consultations élargies ont précédé l’adoption du projet, associant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), et les syndicats représentatifs. Cependant, les résultats semblent insuffisants pour calmer la grogne sociale.
Les fractures syndicales émergent
Le front syndical, pourtant uni dans ses revendications principales, montre des fissures. L’Union marocaine du travail (UMT), par exemple, a boycotté une récente réunion avec le ministre tout en participant partiellement aux débats en commission. Ce flou dans sa stratégie contraste avec l’approche de l’UGTM, qui a salué les avancées obtenues lors de 18 mois de consultations.
L’appel à la responsabilité collective
La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) appelle, de son côté, à un cadre législatif avancé et équilibré. Elle insiste sur l’importance de protéger les droits des travailleurs sans compromettre la compétitivité des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME). « Cette loi, attendue depuis 62 ans, doit garantir un équilibre entre les droits et obligations de toutes les parties », souligne-t-elle.
Un moment décisif
Le bras de fer entre syndicats, gouvernement et patronat met en lumière les défis liés à l’élaboration de réformes sociales inclusives. La manifestation de ce dimanche sera un test pour mesurer la capacité des syndicats à mobiliser et pour évaluer la marge de manœuvre du gouvernement. Le droit de grève, acquis constitutionnel, reste au cœur d’un débat où chaque acteur défend une vision différente de l’équilibre social.