C’est une course qui n’a ni podium ni médaille, mais où chaque foulée pèse des milliards de dollars. Sur le bitume brûlant de la rivalité régionale, l’Algérie et le Maroc s’élancent à grandes enjambées dans un marathon aux allures de course aux armements, révélée en chiffres et en tendances par le dernier rapport du prestigieux SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm).
En 2024, les dépenses militaires en Afrique du Nord ont explosé, atteignant les 30,2 milliards de dollars, soit une hausse de 8,8 % par rapport à l’an dernier. Deux coureurs seuls forment le peloton de tête : l’Algérie et le Maroc, qui totalisent à eux seuls 90 % de cette charge régionale. Le Maroc, discret mais constant, affiche une progression mesurée de 2,6 %, pour un budget militaire de 5,5 milliards de dollars, tiré en partie par l’augmentation du budget du personnel des FAR. Une performance qui reste dans la moyenne mondiale, alors que les dépenses militaires globales ont bondi de 9,4 %.
Mais en tête de course, l’Algérie a sorti le grand jeu. Dopée par ses rentes pétrolières et gazières, elle a pulvérisé les chronos avec une hausse de 12 %, pour culminer à 21,8 milliards de dollars, ce qui en fait le budget militaire le plus élevé du continent africain. Une performance remarquable… mais à quel prix ? Car cette dépense représente 21 % des dépenses publiques du pays, un chiffre vertigineux qui soulève des interrogations profondes.
Et si l’effort se portait ailleurs ?
Pendant que les jambes s’épuisent dans cette course armée, des voix s’élèvent dans les tribunes pour rappeler que d’autres marathons attendent d’être courus — et gagnés. L’éducation, la santé, l’emploi des jeunes, le développement durable, ou encore la démocratie… Autant de pistes oubliées ou négligées. En particulier en Algérie, où l’économie reste vulnérable à la volatilité des hydrocarbures, où la jeunesse manifeste des signes d’essoufflement social, et où les aspirations à une gouvernance plus ouverte s’épuisent faute d’écoute. À quoi bon franchir en tête la ligne d’arrivée militaire si l’on perd la course du développement humain ?
Sur le plan mondial, le SIPRI alerte également sur une hausse sans précédent des dépenses militaires, atteignant 2 700 milliards de dollars, un record depuis la guerre froide. De l’Europe au Moyen-Orient, les tensions et les conflits alimentent un emballement généralisé des budgets de défense.
Mais peut-on vraiment parler de victoire quand la paix recule et que les urgences civiles s’accumulent ?
Par Salma Semmar