Un professeur de droit de l’université Ibn Zohr à Agadir, spécialisé en droit privé, a été placé en détention à Marrakech, accusé d’avoir orchestré un système de vente de diplômes de master et de doctorat contre rémunération. L’affaire, qui met en lumière la fragilité de la gouvernance universitaire, implique des clients inattendus : des avocats réputés, des hauts fonctionnaires judiciaires et même des proches du professeur, dont son épouse avocate et son fils en stage d’avocat.
Des racines anciennes : alertes syndicales de 2018
Le scandale ne naît pas en 2025 : déjà en décembre 2018, une trentaine d’enseignants tenaient un sit-in devant la faculté de droit d’Agadir pour dénoncer le clientélisme académique. Des pancartes proclamaient : « Non à la marchandisation de l’université ! » et « Non au mépris des instances légitimes ! » Les manifestants soutenaient alors la directrice du département de droit privé, sanctionnée pour avoir refusé un parcours de master non validé. Malgré la gravité des accusations, aucune suite n’avait été donnée par les autorités universitaires.
Il a fallu l’initiative de l’Instance nationale de protection des deniers publics en 2023 pour qu’une enquête de la Brigade nationale de la police judiciaire soit ouverte. L’instruction a révélé un flux financier suspect, alimenté par des candidats triés sur le volet : certains étudiants ont vu leur parcours légitimé sans contrôle, tandis que d’autres, plus méritants, ont été écartés sans justification. L’examen des relevés bancaires et des attestations s’est avéré décisif.
Réactions et tensions au sein de la communauté universitaire
La sévérité du dossier a provoqué une onde de choc : plusieurs professeurs ont vivement condamné la généralisation hâtive. Le Pr Younes Aït Hmadouch a mis en garde contre une « campagne de dénigrement » visant l’ensemble du corps professoral à cause des agissements d’un seul. Quant au Pr Khalid Samadi, il a plaidé pour reconnaître l’apport structurant des enseignants marocains : « L’université n’est pas morte, elle travaille et se réforme. »
Vers une réforme structurelle ?
Pour l’économiste Driss El Fina, ce scandale n’est que « l’arbre qui cache la forêt ». Il dénonce un secteur à bout de souffle, miné par l’absence de lien avec le marché du travail et le manque de valorisation de la recherche. De nombreuses voix appellent désormais à une refonte profonde : responsabilisation des présidences d’université, transparence dans les procédures de recrutement et de validation des diplômes, mécanismes de contrôle indépendants.
Tandis que l’enquête se poursuit et que plusieurs passeports ont été saisis, l’université marocaine est à la croisée des chemins : entre refus de l’amalgame et impératif de réforme, l’institution devra tirer les leçons de cette crise pour restaurer la confiance.
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