Rien ne va plus entre Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, et les éditeurs de presse, qu’ils soient de la presse écrite ou électronique. En cause, un projet de réforme du secteur médiatique présenté jeudi dernier en Conseil de gouvernement, sans réelle concertation avec les principaux concernés. Une démarche qui a fait l’effet d’un électrochoc dans un secteur déjà en crise.
Le projet, pourtant très attendu, a été immédiatement dénoncé par la Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux (FMEJ), qui reproche au ministre d’avoir agi en solitaire, sans dialogue préalable avec les représentants du milieu, contrairement à la pratique adoptée par ses collègues dans d’autres départements stratégiques.
Un mode de gouvernance contesté
Au cœur de la discorde : la disposition préconisant la nomination par le gouvernement du président du Conseil National de la Presse (CNP), jusque-là élu par ses pairs. Un changement majeur que les éditeurs perçoivent comme un recul démocratique et une mainmise du pouvoir exécutif sur un organisme censé garantir l’indépendance et l’éthique du secteur.
La FMEJ y voit également une tentative d’affaiblissement des petits et moyens organes de presse, au profit de grands groupes influents, plus en phase avec les choix du ministère. Une politique que d’aucuns qualifient de « division pour mieux régner », qui viendrait accentuer la fragilité structurelle d’un secteur en souffrance, depuis longtemps exposé aux turbulences économiques et aux mutations numériques.
Une fracture ouverte dans un secteur à l’agonie
Ce bras de fer s’annonce long. Le ministre, qui a ignoré plusieurs demandes de rencontre formulées par les éditeurs, sera désormais contraint de s’expliquer devant le Parlement, où l’attend un exercice de clarification sous tension. Cette réforme, avant même d’être votée, fracture déjà le paysage médiatique national, mettant en lumière le malaise grandissant entre les pouvoirs publics et les professionnels de l’information.
Le dialogue semble rompu, et la crise de confiance est profonde. Une chose est sûre : l’épreuve de force engagée autour de cette réforme pourrait marquer un tournant décisif pour l’avenir de la presse au Maroc. Reste à savoir si ce projet, censé restructurer un secteur exsangue, ne risque pas au contraire d’en précipiter davantage la chute.
Par Jalil Nouri