La relation entre les Marocains et les banques n’a jamais été idyllique, et les chiffres viennent une nouvelle fois le confirmer. Une récente étude de la Banque mondiale révèle que 44 % de la population marocaine n’a toujours pas accès aux services bancaires. Un constat alarmant qui traduit une fracture financière structurelle, installée depuis longtemps et que rien, ou presque, n’a été fait pour résorber.
Parmi les principales causes de cette exclusion, les frais bancaires jugés excessifs sont régulièrement pointés du doigt. Pour de nombreux citoyens aux revenus modestes ou irréguliers, ces charges rendent tout simplement l’usage des services bancaires inabordable. Ce facteur économique, bien que compréhensible, cache un malaise plus profond.
Car ce qui choque davantage, c’est l’indifférence apparente des banques, qui donnent l’impression de n’avoir aucun intérêt à inclure les franges les plus vulnérables de la population. Le secteur bancaire marocain semble fonctionner en vase clos, dans une posture quasi monopolistique, privilégiant les clients solvables et considérant les autres comme « négligeables », trop pauvres, trop méfiants ou trop éloignés du système.
Cette situation n’est pas sans conséquence. Bank Al-Maghrib, la Banque centrale, a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, en rappelant que l’exclusion financière pèse sur l’économie nationale, limite la circulation monétaire officielle et freine la croissance inclusive. Malgré cela, les banques tardent à réagir, et continuent d’ignorer un potentiel marché de plusieurs millions de citoyens.
Pourtant, des solutions existent, et deux leviers majeurs pourraient contribuer à inverser la tendance.
D’abord, la digitalisation. Le développement de la fintech et des solutions de paiement mobile offre une réelle opportunité pour élargir l’accès aux services financiers, notamment dans les zones rurales ou auprès des jeunes. Si certaines initiatives ont vu le jour, comme les portefeuilles électroniques et les applications bancaires simplifiées, leur portée reste limitée sans une volonté forte de démocratisation et d’accompagnement.
Ensuite, l’éducation financière, totalement absente du débat public. Beaucoup de Marocains non bancarisés ne comprennent pas le fonctionnement des produits bancaires ou en ont une image négative. Sans stratégie nationale d’alphabétisation financière, dès l’école ou via des campagnes de sensibilisation, la méfiance et la marginalisation persisteront.
Dans un contexte économique libéral, il est certes difficile d’imposer aux banques une politique plus inclusive. Mais en refusant d’agir, elles prennent le risque de creuser un fossé social et économique encore plus profond, au détriment de la stabilité du pays. Il est temps de changer de paradigme, car on ne peut prétendre bâtir une économie moderne avec une moitié de la population laissée en marge du système.