Ainsi s’arrêta la chanson et cette flamme s’est éteinte !
Tout le monde en parle !
Lundi 14 juillet, le célèbre Thierry Ardisson tire sa révérence et c’est bien le cas de le dire, il aura eu une mort mise en scène comme il l’avait voulu !
L’enfant terrible de la télévision française, qui n’avait pas que des amis, recueille à sa disparition une foule d’hommages, des témoignages qui n’en finissent plus, à la hauteur de son immense carrière et de son talent incomparable.
Mais là n’est point le sujet. Les émissions spéciales se suivent sur plusieurs chaînes et un documentaire, réalisé il y a un an par sa femme alors que la fin approchait, est diffusé le mercredi, quarante-huit heures après sa disparition.
Ardisson est parti dans l’au-delà, à qui il faisait très souvent d’ailleurs des clins d’œil moqueurs, irrévérencieux et carrément sarcastiques, mais il laisse derrière lui – et c’est bien le cas de le dire – des moments d’anthologie et des milliers d’images et de séquences qui sont répertoriés et archivés non seulement dans la mémoire collective, mais également dans toutes les chaînes où il a sévi, principalement France 2 et Canal Plus.
Quelque chose en nous de Thierry Ardisson !
Et bien avant sa disparition, des années avant, l’INA avait lancé une chaîne YouTube consacrée entièrement à Ardisson, avec des vidéos assez courtes de ses émissions cultes : Tout le monde en parle, Salut les terriens, Lunettes noires pour nuits blanches ou 93, Faubourg Saint-Honoré !
Que ce soit en France ou au Maroc, j’ai eu un rapport fantasmagorique avec Thierry Ardisson, avec ces rendez-vous du samedi soir qu’il ne fallait rater sous aucun prétexte.
Ardisson me faisait fantasmer, car sa liberté de ton, ses provocations et son style sans filtre et sans pudeur étaient pour moi de la science-fiction !
Non seulement j’étais convaincu que même en 2500 il n’y avait pas de chances qu’il y ait une émission de ce genre de ce côté-ci de la Méditerranée, pour des raisons qu’il est inutile de rappeler, mais en me faisant rêver, il m’avait donné envie de faire de la télé !
J’avais ainsi imaginé une émission que j’aurais voulu intituler Personne n’en parle, mais ce projet n’a jamais trouvé preneur et est depuis resté carrément dans mes tiroirs.
Pour la petite histoire, même en 2025 en France, il n’est plus possible de réaliser une émission comme Tout le monde en parle, tant l’impertinence de Thierry en dérangerait beaucoup aujourd’hui dans une France qui n’est plus aussi libre et libertine qu’elle ne voudrait nous le faire croire.
D’ailleurs, pour son dernier passage sur France 2, chez Léa Salamé, le samedi soir, Ardisson avait pris le risque de s’attirer les foudres des médias pro-sionistes en déclarant que : « Gaza, c’est Auschwitz ! ».
À l’époque, sans fausse pudeur et sans modestie feinte ou hypocrite, je ressemblais à Thierry Ardisson, la drogue et l’alcool en moins, il est bien vrai.
Je lui ressemblais dans mes errances et mes tourments, avec mes angoisses, mes peurs, mes névroses et tous ces démons qui vous poussent à écrire vos blessures, à dessiner vos délires alors que je voulais juste conquérir le bout du monde. Rien que cela !
C’est là qu’il faut estimer à sa juste valeur la chance d’être musulman, ce qui peut vous prémunir de plusieurs fléaux et maux, là où pour Ardisson, la religion catholique – malgré la discipline spartiate inculquée à l’école – n’empêche pas de fréquenter les cabarets et de succomber à l’alcool, à la drogue et aux pétards.
Thierry Ardisson m’aura fait rêver et il a allumé une flamme en moi, comme chez beaucoup d’autres.
Est-ce que cette flamme est toujours là, est-ce qu’elle brûle toujours en moi ou bien est-ce que le crépuscule a sonné ? Je ne saurais franchement répondre avec conviction à cette question !
Bref, Ardisson, c’était moi dans une autre vie !
Personne n’en parle !
Mercredi 16 juillet, Ahmed Faras s’est éteint.
Et là, malheureusement, pas de documentaires, ni émissions spéciales, et encore moins de séquences cultes.
Cette légende immense était aimée de tous, respectée par ses coéquipiers et ses adversaires, et avait l’estime de tous les pays arabes et africains vu son incroyable talent et la trace indélébile qu’il a laissée dans nos mémoires.
Faras, le lion pur-sang, idole de mon enfance, était d’une autre planète et attaché à des valeurs humaines d’une autre époque, que l’on ne fait plus aujourd’hui.
Si les hommages ont afflué de toutes parts, il est un fait incontestable et affligeant qui nous a été infligé, ainsi qu’à feu Faras et à toute sa génération.
Effectivement, il est flagrant et consternant que, côté archives et documentation, nous n’avons eu droit ni à une rediffusion ni même à quelques séquences ou enregistrements.
À quoi servent Medi1 et 2M, et où sont passées les archives de la SNRT !?
Où est passée l’émission de Said Sadok où il avait rendu hommage à Ahmed Faras !?
Le Centre cinématographique marocain n’avait-il pas autrefois l’habitude de documenter l’actualité pour la diffuser en première partie dans les salles de cinéma !?
Il est malheureusement bien évident qu’il n’y a plus d’archives, que les enregistrements se sont volatilisés, et c’est un véritable scandale qui révèle une indigence et une médiocrité inadmissibles. Alors, où va-t-on si on assassine la mémoire et l’histoire de ce pays à petit feu, lentement mais sûrement !?
L’incompétence, l’amateurisme et l’inconséquence des irresponsables ont tué cette flamme…
Inutile de vous préciser que la flamme s’est éteinte par la faute d’une médiocratie sans foi ni loi et d’une gouvernance hasardeuse.
Par Hafid Fassi Fihri