Dans un contexte international marqué par des tensions persistantes et des manipulations médiatiques, l’affaire vécue récemment par Amine Ayoub à Cuba soulève de nombreuses interrogations. Analyste politique, consultant en stratégie et écrivain spécialisé dans l’islamisme et les affaires du Moyen-Orient, il s’est retrouvé au cœur d’un épisode aussi surprenant qu’inquiétant : arrêté, interrogé et détenu durant plus de 30 heures dans des conditions qualifiées d’inhumaines, avant d’être expulsé sans explication officielle. Une épreuve qui, loin d’être anodine, a rapidement été instrumentalisée par certains médias pour le présenter abusivement comme un “journaliste espion”. Dans cette interview exclusive accordée à Actu-Maroc.com, Amine Ayoub revient sur son expérience et livre sa vérité, entre témoignage personnel et analyse géopolitique.
Actu-Maroc- – Monsieur Amine Ayoub, Certains médias vous présentent comme “journaliste espion”. Que répondez-vous à cette étiquette ?
Amine Ayoub- Je tiens à préciser que je ne suis pas journaliste de profession, même si j’écris régulièrement dans des médias israéliens et américains. Mon métier est celui d’analyste politique, de consultant en stratégie et d’écrivain spécialisé dans les questions liées à l’islamisme, au terrorisme et aux affaires du Moyen-Orient.
Me qualifier de “journaliste espion” est une étiquette erronée et injuste. Je ne suis ni un agent, ni un espion, mais simplement un chercheur et un analyste qui exprime des opinions et mène des réflexions critiques.
Je comprends que mon engagement et mes prises de position publiques puissent déranger certains régimes ou certains médias, mais cela ne justifie en aucun cas qu’on me prête des intentions qui ne sont pas les miennes. Mon rôle est d’analyser, d’écrire et de contribuer au débat intellectuel, pas d’espionner qui que ce soit.
Actu-Maroc- Lors de votre escale à Cuba, vous avez été arrêté, interrogé pendant plusieurs heures, puis détenu 32 heures dans des conditions difficiles avant d’être expulsé. Pouvez-vous nous expliquer en détail comment les événements se sont déroulés et ce que vous avez ressenti durant cette épreuve ?
Amine Ayoub- Effectivement, à mon arrivée à l’aéroport de La Havane, les autorités cubaines m’ont immédiatement retenu. J’ai subi près de cinq heures d’interrogatoire, essentiellement centré sur les tampons israéliens figurant dans mon passeport. Mon téléphone m’a été confisqué sous prétexte de vérifier mes réservations, puis on m’a empêché de poursuivre mon voyage vers les Bahamas, sans jamais me remettre la moindre explication officielle ni document écrit. Après cette première épreuve, j’ai été relâché et j’ai passé trois nuits à La Havane.
Mais au moment de reprendre mon vol pour les Bahamas, j’ai de nouveau été arrêté. On m’a conduit dans une pièce nue, meublée uniquement de chaises métalliques, où j’ai été détenu pendant près de 31 heures. Durant toute cette période, je n’ai reçu ni nourriture ni eau et j’étais placé sous surveillance constante. Même pour aller aux toilettes, j’étais escorté par un agent. J’ai été traité comme un criminel, voire comme un terroriste, alors que je ne faisais que voyager pour rejoindre ma famille.
Mon vol initial vers les Bahamas était prévu le vendredi 8 août à 15 h 00. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que mon billet avait été annulé et remplacé par un retour forcé vers le Maroc. J’ai finalement été embarqué de force sur un vol à destination de Paris, le samedi 9 août à 22 h 00, escorté par le chef de la police de l’aéroport lui-même et entouré d’agents.
Cette expérience a été extrêmement éprouvante, tant physiquement que psychologiquement. Dormir dans de telles conditions m’a laissé des douleurs, et cette privation volontaire m’a profondément marqué. Je reste aujourd’hui perturbé, car je ne comprends pas vraiment ce que les autorités cubaines cherchaient à obtenir de moi. Je suis convaincu que ce traitement m’a été infligé en raison de mes prises de position publiques. C’est ce qui explique la nature des interrogatoires et la manière dont j’ai été traité.
Actu-Maroc- Les médias algériens ont profité de ce qui vous est arrivé à Cuba pour vous qualifier de “journaliste Marocain espion”. Selon vous, dans quel but ont-ils utilisé cette affaire et que cherchez-ils à faire passer comme message en vous ciblant ainsi ?
Amine Ayoub- Il est évident que les médias algériens ont profité de cet incident pour m’étiqueter de “journaliste espion”. Ce n’est pas surprenant, car cela s’inscrit dans une logique beaucoup plus large : depuis des années, les médias et les autorités algériennes multiplient, de manière quasi incalculable, les accusations contre le Maroc et les Marocains. Tout est prétexte pour alimenter cette rhétorique hostile.
Dans mon cas, il ne s’agit pas d’une analyse objective de la situation, mais bien d’une instrumentalisation politique visant à nuire à l’image du Maroc à travers ma personne. Je ne suis ni espion ni agent secret : je suis un analyste et un écrivain. Mais lorsqu’un climat de tension permanente existe entre deux pays, certains cherchent toujours à exploiter la moindre occasion pour renforcer leur discours.
Je préfère répondre à ce type d’accusation non pas par la surenchère, mais en rappelant une vérité simple : les faits sont têtus, et la manipulation médiatique finit toujours par se retourner contre ceux qui la pratiquent.
Actu-Maroc- Après ce que vous avez vécu à Cuba, comptez-vous engager un recours — qu’il soit juridique, diplomatique ou auprès d’organisations de défense des droits humains — afin de dénoncer ce traitement et d’obtenir réparation ?
Amine Ayoub- À mon retour au Maroc, j’ai choisi de ne pas rester silencieux face à ce que j’ai subi. J’ai aussitôt pris contact avec plusieurs ONG de défense des droits humains, dont le Middle East Forum, afin d’obtenir leur soutien et d’explorer les voies de recours possibles. Pour moi, il ne s’agit pas seulement d’une affaire personnelle, mais d’un principe : celui du respect des libertés fondamentales et de la dignité humaine.
Je considère essentiel que ce traitement arbitraire et inhumain soit dénoncé publiquement, afin qu’il serve d’avertissement contre des pratiques autoritaires visant à intimider ou à museler les voix critiques.
La détente signée en 2014 entre Barack Obama et Raul Castro avait été saluée comme un tournant historique, ouvrant la voie à une normalisation entre Washington et La Havane. Pourtant, mon expérience illustre que, derrière cette façade, la réalité cubaine reste marquée par des méthodes de contrôle et de répression.