Les relations entre la France et l’Algérie n’ont jamais été aussi fragilisées depuis plusieurs décennies. Face à cette situation, une vingtaine de personnalités algériennes, françaises et franco-algériennes ont lancé un appel conjoint à Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, publié sur le site d’information Mediapart. Leur objectif : rétablir un dialogue franc et construire une réconciliation durable, loin des calculs électoraux et des postures diplomatiques.
Un climat de rupture diplomatique
La crise actuelle trouve son origine dans une décision hautement symbolique : en été 2024, Emmanuel Macron a reconnu officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Une annonce perçue par Alger comme une provocation directe et une remise en cause de son alignement historique sur le front séparatiste du Polisario. En réaction, l’Algérie a gelé ses relations diplomatiques avec Paris, plongeant les deux capitales dans un silence inédit.
À cette fracture majeure se sont ajoutées d’autres tensions :
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L’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal, largement dénoncée par les défenseurs des droits humains à l’international.
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Le contentieux sur les expulsions d’Algériens en situation irrégulière en France (OQTF), qui a alimenté des accusations mutuelles de mauvaise foi et d’instrumentalisation politique.
Ces épisodes ont consolidé une atmosphère de méfiance et d’incompréhension, rappelant les blessures mémorielles toujours à vif entre les deux nations.
Un appel au courage politique
Dans leur lettre ouverte, les signataires dénoncent la dégradation des liens bilatéraux, tout en réaffirmant leur espoir d’une volonté politique commune. Ils insistent : les relations franco-algériennes concernent avant tout « des millions de vies » et « l’avenir de générations entières ».
Le texte exhorte Tebboune et Macron à :
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Aborder avec honnêteté les questions mémorielles héritées de la colonisation et de la guerre d’indépendance.
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Renforcer les échanges humains, culturels et économiques, au-delà des intérêts géopolitiques.
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Protéger la dignité des citoyens des deux rives, souvent stigmatisés ou pris en otage par les tensions politiques.
Des voix des deux rives
Parmi les signataires, figurent des universitaires, historiens, cinéastes et juristes, tels que Lyazid Benhami (GRAL), Aïssa Kadri, ancien directeur de l’Institut Maghreb Europe, les historiens Alain Ruscio et Gilles Manceron, la professeure Catherine Brun, la cinéaste Viviane Candas, ou encore le juriste Hocine Zeghbib. Leur engagement symbolise la volonté d’une société civile active de préserver les passerelles culturelles et humaines là où la diplomatie officielle échoue.
Une relation à la croisée des chemins
Cet appel citoyen illustre une évidence : malgré la crise politique, les peuples des deux rives refusent la rupture totale. L’histoire tumultueuse de la relation franco-algérienne – marquée par la colonisation, la mémoire douloureuse de la guerre, et des décennies de malentendus diplomatiques – montre que chaque crise peut aussi être une opportunité de réinventer le dialogue.
En l’absence d’un geste politique fort, la fracture risque de s’enraciner davantage, avec des conséquences durables sur les générations futures. Les signataires rappellent qu’il est urgent de transformer la méfiance en une volonté commune de réconciliation.
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