À moins de trois semaines de l’échéance du 4 octobre 2025, les organisations agricoles françaises multiplient les pressions pour empêcher le renouvellement des préférences commerciales UE–Maroc sur les fruits et légumes. En toile de fond, l’arrêt de la Cour de justice de l’UE du 4 octobre 2024, qui a annulé les décisions de l’UE relatives aux accords de 2019 et maintenu, pour 12 mois, les effets de la décision sur les mesures de libéralisation agricoles afin d’éviter un choc juridique immédiat.
Les producteurs tricolores ciblent notamment la tomate marocaine, et plus encore la tomate cerise, devenue star des linéaires européens. Selon plusieurs médias, un front informel s’est structuré ces derniers mois : rencontres entre le lobbyiste Philippe Hériard (agence Droit devant) et l’eurodéputé Gilles Pennelle (RN), participation de représentants de Tomates et concombres de France, ainsi que des échanges répétés avec des organisations espagnoles comme la COAG auprès de la Commission. Objectif affiché : freiner l’accès des volumes marocains au marché européen lors de la reconfiguration post-CJUE.
Le paradoxe français est connu : premier client européen du Royaume, l’Hexagone importe massivement (environ 530 000 tonnes en 2023, Maroc premier fournisseur), puis réexpédie une part significative vers ses partenaires de l’UE – la France agissant de plus en plus comme plateforme logistique. Cette montée en puissance s’explique par la demande toute-saison en circuits de détail et la compétitivité des serres sous climat atlantico-saharien.
À Bruxelles, la bataille se joue aussi sur les instruments de marché : saisonnalité, mécanisme du prix d’entrée, segmentation par catégories (dont les cerises à forte valeur ajoutée). Un rapport du CGAAER (ministère français de l’Agriculture) a d’ailleurs proposé début 2025 des pistes d’ajustement, pendant que Paris et Rabat ont exploré un accord bilatéral de saisonnalité pour réduire les frictions – une voie qui pourrait coexister avec l’architecture commerciale européenne.
Pour Rabat, l’enjeu dépasse la tomate : il s’agit de verrouiller un accès prévisible au marché européen après la période transitoire décidée par la CJUE. Côté européen, la Commission doit arbitrer entre stabilité d’approvisionnement, pouvoir d’achat des consommateurs et équilibre concurrentiel pour les producteurs. Verdict attendu : une clarification du cadre d’ici l’automne, puis un possible ré-calibrage technique (plafonds, fenêtres, contrôles) en 2026.