À quatre ans du coup d’envoi, le Maroc vit déjà au rythme de la Coupe du monde 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal. La question qui traverse désormais les conversations est simple : le Royaume aurait-il pu l’organiser seul ? Au regard de l’accélération des chantiers, la tentation de répondre « oui » est grande — à condition de transformer l’essai bien au-delà de l’événement.
Partout, des projets inédits s’enchaînent et se livrent à cadence soutenue. L’exemple emblématique demeure le stade de Rabat, reconstruit de fond en comble en dix-huit mois, soit la moitié d’un délai moyen de trente-six mois. Ce sprint opérationnel alimente l’idée d’un « Maroc, royaume des possibles », capable d’aligner calendrier, financement et exécution. Reste toutefois un angle mort : les mentalités et le civisme, maillon essentiel de toute transformation durable, ne changent pas au même rythme que le béton et l’acier.
D’où cette interrogation, presque un regret : pourquoi avoir attendu l’horizon 2030 pour prouver de telles capacités ? L’événement-levier a indéniablement servi de catalyseur, mais l’ambition et la méthode qu’il révèle auraient pu — auraient dû — irriguer l’action publique plus tôt. Car l’équation du succès ne tient pas seulement à la vitesse d’exécution : elle exige une gouvernance exigeante, la maintenance des infrastructures, la qualité de service, la transparence des coûts et l’appropriation citoyenne.
Le véritable test se jouera après la fête. Le Maroc saura-t-il maintenir la même dynamique sans l’aiguillon d’un calendrier FIFA ? Saura-t-il étendre ces standards à l’école, à la santé, aux transports du quotidien, à l’administration et à l’économie locale ? C’est à cette condition que les « prouesses » deviendront politiques publiques, et que la vitrine sportive se muera en héritage tangible.
À la fin du cycle, l’évaluation devra être lucide : le Maroc a-t-il réellement changé, pourquoi, à quel prix, pour quels résultats ? Des indicateurs clairs — délais, coûts, qualité de service, empreinte sociale et territoriale — permettront de répondre, d’ajuster et de consolider. Si le Royaume parvient à conserver ce cap, 2030 ne sera plus un point d’orgue, mais un point de départ.
Par Salma Semmar
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