Le monde des médias marocains perd l’une de ses voix les plus singulières. Saïd Jedidi, pionnier de la presse hispanophone au Royaume et figure familière du petit écran, s’est éteint dans la nuit du samedi 27 septembre. La nouvelle, confirmée par sa famille, a été annoncée par plusieurs médias nationaux, qui rappellent son rôle fondateur dans l’essor de l’information en espagnol au Maroc.
Originaire de Tétouan, Jedidi a marqué durablement l’histoire audiovisuelle nationale en devenant le premier présentateur des journaux télévisés en espagnol sur la télévision publique marocaine au début des années 1990. La presse ibérique soulignait alors l’ouverture de ces bulletins et la présence à l’antenne de ce journaliste trilingue, déjà identifié comme l’un des artisans de cette passerelle linguistique.
Journaliste de terrain, éditorialiste et passeur culturel, il a mené une carrière au long cours à la Radio-Télévision marocaine, jusqu’à occuper des responsabilités éditoriales au sein de la section espagnole. Des portraits publiés ces dernières années l’ont décrit comme un « pont » entre le Maroc et l’espace hispanophone, doué d’une voix posée et d’une écriture directe, capable d’expliquer le Maroc en espagnol sans perdre de vue la nuance et la pédagogie.
Cette œuvre de médiation lui a valu des distinctions des deux rives. Des sources biographiques font état de l’Encomienda Española (médaille du Mérite civil d’Espagne) ainsi que d’une décoration chérifienne, signes d’une reconnaissance pour son rôle d’interprète culturel et de bâtisseur de liens. Au-delà des insignes, subsiste surtout l’empreinte d’un professionnel respecté, qui aura contribué à installer durablement l’espagnol dans le paysage médiatique national.
Sa disparition intervient à l’heure où le Maroc consolide ses échanges avec le monde hispanophone, qu’ils soient linguistiques, culturels, universitaires ou économiques. Nombre d’anciens collègues, disciples et lecteurs saluent aujourd’hui l’exigence d’un journaliste « à l’ancienne », amoureux de la langue, rigoureux dans la vérification, et convaincu que l’information sert, d’abord, à créer de la compréhension mutuelle. Le deuil, large, dépasse le seul cénacle des hispanistes : il touche la communauté des médias et, plus largement, tous ceux qui voient dans la diversité linguistique une chance et une ouverture.
À l’écran comme sur le papier, Saïd Jedidi avait ce talent rare : faire entendre une voix marocaine en espagnol, sans exotisme ni caricature. C’est à ce fil discret mais solide — celui du respect des faits et des publics — que tient l’hommage qui lui est rendu aujourd’hui.