Séance tendue hier soir au Parlement lors d’une session spéciale consacrée à la situation des hôpitaux, dénoncée par les manifestations en cours, en présence du ministre de la Santé, Amine Tahraoui, très sollicité en ces moments difficiles. Et pour cause : la situation délétère des hôpitaux publics est perçue comme la mèche ayant allumé l’incendie actuel.
Le débat a toutefois rapidement glissé vers la réussite jugée problématique de certaines cliniques privées, en particulier Akdital, dont la percée vertigineuse suscite des doutes. Pour enfoncer le clou, le président du groupe parlementaire du PPS, le virulent Rachid Hamouni, a estimé qu’il ne fallait pas imputer la crise du secteur de la santé au seul ministre RNI, mais « aller au fond des choses » en s’attaquant, selon lui, aux mécanismes d’enrichissement des cliniques privées. Il a cité en exemple le groupe Akdital, qualifié de « météorite », dont le nombre d’unités créées en peu de temps approcherait la quarantaine, y compris dans des régions éloignées et même à l’étranger.
Pour le député, ces réalisations symboliseraient la déliquescence du secteur public et la réussite spectaculaire du privé « sur le dos des citoyens et des caisses de l’État ». Rachid Hamouni, chiffres à l’appui, a dirigé sa charge contre Akdital, tout en reconnaissant que le groupe n’était pas le seul concerné. Il a jugé « inconcevable » que les cliniques privées amassent des fortunes considérables alors que les hôpitaux publics sombrent dans la faillite de leur système et de leur gestion, au point de pousser aujourd’hui une jeunesse exaspérée dans la rue.
Les chiffres d’affaires des groupes de santé privés cotés en bourse, a-t-il précisé, auraient « pulvérisé tous les compteurs » avec une hausse de 70 % ces derniers mois, soit davantage que les secteurs de l’automobile et des banques. Sans le nommer explicitement, il a avancé qu’un groupe aurait perçu 2 milliards de dirhams en six mois.
« Pourquoi ne pas prendre ces mêmes clés de réussite et calquer ce modèle sur le secteur public pour le sortir du marasme ? » a interrogé Hamouni. Et d’ajouter : « Pourquoi le gouvernement accorde-t-il des subventions au privé pour construire des cliniques à Casablanca et à Rabat, au détriment d’hôpitaux et de centres de santé dans des régions qui en manquent cruellement ? » Un tel débat, selon lui, méritait d’être ouvert au Parlement, et le chef du gouvernement est appelé à venir s’expliquer devant la représentation nationale.
Par Jalil Nouri
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