Les relations entre le ministère de la Justice et les huissiers de justice traversent l’une de leurs plus fortes zones de turbulence. Les déclarations d’Abdellatif Ouahbi devant la Commission de la justice et de la législation, mercredi dernier, ont déclenché une véritable onde de choc au sein de la profession, qui a immédiatement réagi par un communiqué au ton inhabituellement ferme. Au cœur du différend : l’annonce, attribuée au ministre, de recruter des fonctionnaires pour assurer les notifications pénales et civiles, avec pour objectif affiché de « concurrencer les commissaires judiciaires ».
Une sortie qui n’a pas seulement surpris : elle a profondément irrité. La Haute Instance nationale des huissiers de justice estime que ces propos remettent en cause de manière directe les missions et l’utilité publique de la profession. Dans le même communiqué, l’organisation rappelle que les huissiers constituent un maillon essentiel du service public de la justice, assurant significations, exécutions et notifications avec rigueur, souvent gratuitement dans les dossiers complexes ou anciens.
La tension intervient dans un contexte déjà fragilisé par le renvoi de la loi 02-23 portant Code de procédure civile. Le 4 août 2025, la Cour constitutionnelle a en effet rejeté plusieurs de ses dispositions pour non-conformité, renvoyant le texte à une nouvelle lecture parlementaire. Une décision qui a ravivé les débats institutionnels autour des rôles, responsabilités et périmètres d’intervention de chaque corps professionnel dans la chaîne judiciaire.
Face aux propos du ministre, jugés « offensants et infondés », la profession affirme n’avoir jamais refusé les notifications pénales. Elle se dit même mobilisée – bénévolement, précisent-ils – pour résorber les retards chroniques dans ce domaine. Les huissiers considèrent donc que l’argument avancé par le ministre ne repose sur aucune réalité opérationnelle.
Le dossier des honoraires, toujours sensible, revient également au premier plan. La Haute Instance souligne avoir transmis au ministère ses propositions dans le cadre d’une approche participative visant à améliorer la situation matérielle de ses membres. Elle condamne toute ingérence extérieure dans ce dossier qu’elle estime « déterminant pour la dignité de la profession ».
Pour sortir de l’impasse, la profession propose la tenue d’une conférence nationale sur le système des honoraires des métiers juridiques. Objectifs : instaurer une véritable justice tarifaire, réduire les disparités entre corps professionnels et mettre fin aux logiques de privilèges. Tout en réaffirmant son attachement au dialogue, la Haute Instance insiste sur la nécessité d’un cadre serein et respectueux pour poursuivre les discussions avec le ministère.











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