Il y a quelques jours, je suis tombée sur un article intitulé « Culture & gaming : un nouveau pacte pour moderniser les musées marocains », annonçantune convention entre la Fondation Nationale des Musées et la Fédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques pour introduire le jeu vidéo au cœur des musées et rendre les visites plus interactives pour les jeunes. Sur le papier, c’est une bonne nouvelle ; le patrimoine commence enfin à dialoguer avec l’univers numérique.
Mais en lisant cet article, une autre image m’est revenue, un rêve que j’ai toujours eu ; une caravane qui traverse le Maroc, de ville en village, pour faire dessiner les enfants. Pas des écrans, pas des casques de VR. Juste des feuilles, des crayons, du temps et une présence. Je suis convaincue que l’art et la culture, avant d’être des “contenus”, sont d’abord des expériences qui éveillent l’esprit, ouvrent des espaces intérieurs, fabriquent de la confiance en soi.Rendre l’art et la culture accessible pour tout le monde.
Avant les réseaux sociaux, nous avions déjà, dans presque chaque quartier, dans les petit et les grands villages, un “réseau social” bien réel : les maisons de jeunes. Ces lieux publics où l’on poussait une porte pour trouver un club de théâtre, une chorale, un atelier de dessin, un tournoi d’échecs ou un match de foot. Un endroit où l’on pouvait exister autrement que comme “bon élève” ou “mauvais élève”. Beaucoup de ces espaces se sont éteints, abîmés par le manque de moyens, de vision et parfois de considération.
L’accord entre musées et gaming arrive dans ce contexte. Il peut être lu comme un simple gadget marketing ; encore des consoles, encore des écrans, ou comme un signe d’écoute.On reconnaît enfin que pour toucher les jeunes, il faut partir de leurs codes, de leurs pratiques, de leurs imaginaires. Le jeu vidéo n’est plus seulement un “danger” à réguler, mais un langage culturel qui peut dialoguer avec la peinture, la sculpture, la photographie.
La vraie question, maintenant, c’est : que faisons-nous de cette rencontre entre culture et technologie ?
On peut se contenter d’ajouter quelques consoles dans les musées des grandes villes et se féliciter d’être “modernes”. Ou bien on peut aller plus loin ; utiliser la technologie pour rapprocher l’art de celles et ceux qui n’y auront jamais accès physiquement.
Concrètement, cela veut dire imaginer des visites virtuelles pensées pour les écoles rurales, pour les maisons de jeunes, pour les associations de quartier. Pas seulement des visites en 3D cachées dans un site web, mais des formats simples, courts, en Darija ou en Tamazight, qui peuvent circuler sur WhatsApp, être projetés sur un mur blanc, servir de point de départ à un atelier de dessin ou de théâtre. Cela veut dire créer des “mini-musées mobiles” ; une valise avec un vidéoprojecteur, quelques vidéos préchargées, du matériel artistique, que l’on emmène dans un douar comme on emmènerait une séance de cinéma en plein air.
C’est là que mon rêve de caravane rejoint la modernisation numérique des musées. On pourrait imaginer une tournée qui, à chaque étape, propose deux gestes simples. D’abord, faire découvrir une œuvre, un artiste, un objet du patrimoine à travers un support numérique accessible ; ensuite, inviter les enfants à créer à partir de ce qu’ils viennent de voir – dessiner, raconter, inventer une histoire. Le numérique comme clé d’entrée, l’art comme espace d’appropriation.
Aujourd’hui, remercier la GenZce n’est pas seulement les applaudir pour contribuer à faire réouvrir des maisons de jeunes. C’est reconnaître qu’ils nous obligent à revoir notre façon de penser la culture ; moins comme un patrimoine à protéger “d’en haut”, plus comme un terrain de jeu commun à investir “avec eux”. Les musées qui s’ouvrent au gaming, les maisons de jeunes qui ressuscitent, les caravanes d’art qui sillonnent le pays, tout cela peut raconter la même histoire ; celle d’un Maroc où la culture ne serait plus un privilège, mais une infrastructure essentielle, au même titre que l’eau, l’électricité ou l’internet.
À condition, bien sûr, que la technologie reste un moyen, pas une fin. Un écran ne remplacera jamais un regard, une console ne remplacera jamais une rencontre. Mais entre de bonnes mains, et avec une vision claire, elle peut élargir le cercle, tendre la main à celles et ceux que la culture a longtemps laissés au bord de la route. Et c’est peut-être là que tout commence vraiment.
Par Meriem SMIDI










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