On sous-estime profondément la puissance du rire. On le range dans la case « distraction », alors que le corps, lui, le classe clairement dans la case « ressources essentielles ». Chaque fou rire déclenche une petite tempête dans l’organisme : le cœur s’accélère, la respiration se modifie, les muscles se contractent… puis tout redescend. La pression artérielle, la fréquence cardiaque et la tension musculaire diminuent, comme après une vague qui se retire. Ce va-et-vient agit comme un mini-entraînement pour notre système nerveux : il apprend à monter en régime, puis à revenir plus vite au calme.
Sur la santé mentale, les données sont de plus en plus claires. Les programmes de « yoga du rire » ou de thérapie par le rire, testés chez des patients atteints de cancer mais aussi chez des étudiants et des soignants, réduisent la dépression, l’anxiété, le stress perçu et améliorent la qualité de vie. Non, le rire ne remplace ni les médicaments ni la psychothérapie. Mais il se comporte comme un co-traitement accessible : une façon de faire baisser le cortisol, de relâcher la pression intérieure, de remettre du jeu là où tout est devenu rigide.
Le cœur aussi semble apprécier. On observe, après des séances régulières de rire, une meilleure variabilité de la fréquence cardiaque, une tension parfois plus basse, un sommeil plus réparateur, un meilleur contrôle de la glycémie chez certaines personnes diabétiques. Là encore, ce n’est pas magique : en réduisant le stress chronique, le rire améliore la régulation autonome et plusieurs paramètres qui, cumulés, comptent pour le risque cardiovasculaire.
Et pourtant, beaucoup d’adultes découvrent qu’ils ne rient presque plus. Pris dans le sérieux du travail, des responsabilités, de la performance, ils ont laissé le rire devenir un luxe, un bonus, quelque chose qu’on « s’autorise » seulement quand tout est fait.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut réentraîner cette capacité. Chercher des occasions de rire vraiment : une personne avec qui l’on se sent libre, un spectacle, un film, un podcast, un jeu avec les enfants… Et si besoin, créer ces occasions, de manière presque « prescrite ». Dix minutes de contenu qui nous fait rire, chaque jour, ce n’est pas de la fuite : c’est une hygiène émotionnelle.
Rire plus ne signifie pas nier ce qui ne va pas. Au contraire : plus on a des moments de relâche, plus on a de l’énergie pour affronter le réel. Et lorsque, malgré le mouvement, le rire, le soutien de l’entourage, la tristesse, l’angoisse ou l’épuisement restent là, alors le pas suivant n’est pas de « se forcer encore », mais de demander de l’aide.
Se poser une question simple peut déjà être un premier pas : sur une échelle de 0 à 10, à quel point je ris encore, aujourd’hui ? Si la réponse est très basse, ce n’est pas une fatalité, ni une honte. C’est une information précieuse. À partir de là, on peut choisir de remettre du rire dans sa journée… et, si besoin, de ne plus rester seul avec ce qui fait mal.
À ce titre, je veux adresser une dédicace particulière au Dr Oubeid Allah Hlal, cardiologue, humoriste et pédagogue, dont le travail de sensibilisation rappelle que l’humour a toute sa place au cœur même de la médecine. Par son engagement, ses conférences et ses contenus, il ouvre une voie encore trop rare : celle d’une médecine qui soigne le cœur et les artères, mais aussi les peurs, la honte et le silence autour de la souffrance psychique. Cette rencontre a renforcé ma conviction que le rire n’est pas un “plus”, mais un véritable outil de soin et de lien.
Par Wadih Rhondali – Psychiatre










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