Un seul hiver aura suffi. À peine inaugurée, une route flambant neuve dans la périphérie de Tanger s’est transformée, en l’espace d’une semaine, en un triste décor de fissures, d’affaissements et de glissements de terrain, dès la première vague de pluies. Un chantier présenté comme “moderne”, facturé 4 millions de dirhams (400 millions de centimes), et qui paraît aujourd’hui n’avoir pas été conçu pour résister… à la chose la plus prévisible qui soit dans la région : l’hiver.
Le constat, sur place, est accablant : absence de caniveaux, défaut de drainage, pas d’aménagements latéraux capables de protéger la chaussée de l’érosion. Résultat : l’eau s’accumule, s’infiltre, fragilise les couches, puis la route se délite. Et comme toujours, la facture menace de retomber sur le contribuable, sommé de payer une deuxième fois pour réparer ce qui n’aurait jamais dû se dégrader.
La commission spéciale mise en place par la wilaya pour enquêter sur ce projet a mis au jour une contradiction sidérante : un supplément d’à peine 500.000 dirhams aurait suffi pour équiper l’ouvrage des dispositifs de drainage indispensables. Ce montant, dérisoire au regard du coût global, aurait pu éviter l’effondrement partiel constaté. Pourquoi cet élément vital a-t-il été ignoré ? Par négligence ? Par incompétence ? Ou, pire, par une logique cynique devenue trop fréquente : rogner sur les travaux essentiels pour gonfler les marges, et revenir ensuite facturer des “réparations” sous forme de nouveaux marchés ?
Des sources techniques évoquent également des études initiales déficientes, voire bâclées : relief sous-estimé, nature des sols mal analysée, risques d’érosion traités avec légèreté. Or, ce type d’omission n’est pas une erreur anodine : c’est une mise en danger des automobilistes et des piétons, et une atteinte directe au principe de bonne gestion des deniers publics.
Ce scandale ne doit pas se limiter à un rapport de plus, ni se dissoudre dans les lenteurs administratives. Il impose des décisions immédiates : déterminer les responsabilités, sanctionner, exiger la réparation aux frais des fautifs, et surtout tirer une leçon claire pour l’avenir. Car la vraie question est là : où va l’argent des projets publics, si une infrastructure censée durer des années s’effondre au premier test naturel ?
Il est temps que l’État cesse de tolérer ces pratiques et rompe avec la culture de l’impunité. Les entreprises et bureaux d’études qui bâclent, trichent, minimisent les normes ou jouent avec la sécurité doivent être écartés durablement. Une mesure s’impose : inscrire ces opérateurs sur une liste noire, afin qu’ils ne puissent plus bénéficier d’autres marchés publics. Le contribuable n’a pas à financer l’enrichissement de ceux qui transforment chaque chantier en opportunité de profit au détriment de la qualité, de la sécurité… et de la confiance.
.



Contactez Nous