La profession d’avocat au Maroc traverse une zone de fortes turbulences. Réuni en session extraordinaire le 22 décembre 2025, le Conseil de l’Ordre des avocats de Casablanca — première instance ordinale du pays par son poids et son influence — a acté un « rejet absolu » du projet de loi relatif à la profession. Dans une décision adoptée à l’unanimité, l’Ordre estime que le texte, tel qu’il circule, porte atteinte aux fondements mêmes de la défense et menace des équilibres considérés comme constitutifs de l’État de droit.
La réunion, présidée par le bâtonnier Mohamed Hissi, s’est tenue en présence de dix-huit membres du Conseil et de figures historiques du barreau casablancais, dont les anciens bâtonniers Abdellah Dermiech et Mohamed Chafii. L’ordre du jour était clair : se prononcer sur un projet jugé « dangereux » et élaboré, selon l’Ordre, en dehors des règles élémentaires de concertation.
Au cœur du réquisitoire, deux griefs majeurs. D’abord, le fond : le « Mokarar » adopté affirme que certaines dispositions constitueraient un recul par rapport aux garanties consacrées depuis les premiers textes encadrant la profession, et fragiliseraient l’indépendance de l’avocat, condition de la protection effective des justiciables. Ensuite, la méthode : Casablanca accuse frontalement le Bureau de l’Association des barreaux du Maroc (ABAM) d’avoir contourné les Conseils régionaux et ignoré les recommandations du Congrès de Tanger (15-17 mai 2025), qui demandait la transmission du projet à l’ensemble des barreaux pour examen.
Le ministère de la Justice se retrouve ainsi pris à témoin, d’autant que le ministre avait lui-même, à plusieurs reprises, insisté sur la nécessité d’un consensus préalable. Après la grève historique de novembre 2024 sur la procédure civile, ce nouvel épisode ravive une question centrale : comment réformer sans fracturer la confiance entre la profession, ses instances et la tutelle ?



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