Figure emblématique de la musique marocaine, Abdelhadi Belkhayat incarne à la fois la grandeur artistique et la profondeur spirituelle. De ses débuts à Fès jusqu’à son retrait volontaire de la scène, il a su marquer des générations par sa voix grave et enveloppante, son élégance musicale et son intégrité personnelle. Ce baromètre revient sur les grandes étapes de son parcours, les choix qui ont forgé sa légende, et l’héritage qu’il lègue au patrimoine culturel marocain. Un hommage à un homme dont la discrétion n’a fait que renforcer la résonance de ses chants.
Les débuts d’un destin hors du commun
Né en 1940 à Fès, ville berceau des lettrés et des musiciens traditionnels, Abdelhadi Belkhayat grandit dans un environnement imprégné de culture, de spiritualité et de rigueur. Dès son plus jeune âge, il est attiré par la musique, mais c’est à Casablanca, après un passage par l’Institut de musique, qu’il entame véritablement sa carrière. Il y croise les grands noms de l’époque, apprend les techniques vocales, et découvre le pouvoir émotionnel de la musique.
C’est avec le chef d’orchestre Ahmed Al Bahi qu’il enregistre ses premières chansons, avant de connaître la consécration avec « Ya Bent Nass », qui le propulse au rang de star nationale.
L’ascension fulgurante : la décennie des chefs-d’œuvre
Les années 60 à 80 constituent l’âge d’or d’Abdelhadi Belkhayat. Il incarne l’élégance vocale et l’élévation artistique, dans un Maroc en pleine mutation. Sa voix, profonde, enveloppante, au vibrato maîtrisé, devient la bande-son de toute une génération. Ses titres phares, comme :
« Alkamaro alahmar » (Le croissant rouge)
« Ya Dmouîi » (Mes larmes)
« Qitar Al Hayat » (Le train de la vie)
« Houbouka Fardi » (Ton amour est mon destin)
« Fi Qalbina Nar » (Dans nos cœurs, un feu)
« Sabah » (hommage à l’actrice libanaise du même nom)
… illustrent sa capacité à chanter l’amour, la douleur, la foi, la solitude et la quête de sens, avec une noblesse rare.
Il collabore avec les plus grands paroliers marocains et arabes, notamment Abdelwahab Doukkali, Ali Haddani, et travaille avec des compositeurs prestigieux comme Abdelkader Rachdi.
Belkhayat – Doukkali : un duel de titans, deux visions de la grandeur
Dans l’histoire de la musique marocaine moderne, le nom d’Abdelhadi Belkhayat est souvent évoqué aux côtés de celui d’Abdelwahab Doukkali. Deux artistes issus de la même génération, ayant émergé dans les années 60, tous deux pionniers, adulés, respectés, et pourtant radicalement différents dans leur style, leur approche musicale et leur rapport à la scène.
Deux voix, deux sensibilités
Abdelhadi Belkhayat, c’est la majesté, la gravité, la profondeur émotionnelle. Sa voix grave et posée, presque liturgique par moments, en fait un interprète de l’âme, un chanteur de l’intériorité, de la souffrance, de l’amour résigné, du silence qui parle plus que les mots. À l’inverse, Abdelwahab Doukkali est le chant de la liberté, de l’expérimentation, de la théâtralité. Son timbre est plus léger, sa gestuelle plus expressive, sa personnalité plus flamboyante. Doukkali incarne la recherche constante, le croisement des influences occidentales et orientales, l’artiste qui bouscule sans renier les racines.
Contrairement à d’autres « duels » artistiques entachés de rivalité amère, le face-à-face Belkhayat–Doukkali n’a jamais sombré dans la polémique personnelle. Il s’agissait d’un duel artistique silencieux mais permanent, entretenu par le public, les médias et les cercles intellectuels. Certains voyaient en Belkhayat l’héritier du raffinement andalou et spirituel, quand d’autres considéraient Doukkali comme le Mozart marocain, génie touche-à-tout, à la fois compositeur, interprète et acteur de ses propres chansons. Chacun de leurs nouveaux titres était attendu comme un événement, suscitant des comparaisons, des débats, des préférences… mais le respect mutuel entre les deux hommes n’a jamais été démenti.
Deux carrières parallèles, deux légendes complémentaires
Si Belkhayat a opté, avec le temps, pour la discrétion et le repli vers une expression plus spirituelle, Doukkali, lui, a poursuivi sa carrière avec des apparitions publiques régulières, des expériences musicales inédites, et une présence affirmée dans les médias. Mais au fond, le Maroc n’a jamais eu à choisir. Il les a chéris tous les deux, comme deux joyaux d’une même couronne musicale, deux âmes différentes au service d’un même idéal : élever la chanson marocaine au rang d’art majeur.
Une spiritualité assumée : du cœur à l’âme
Au sommet de sa carrière, Abdelhadi Belkhayat choisit la discrétion et la spiritualité. Profondément croyant, il met fin aux tournées commerciales et se consacre aux chants religieux, notamment les qasidas soufies et les invocations andalouses. Son interprétation poignante du poème « Al Mounfarija » marque les esprits, particulièrement durant le Ramadan.
Bien qu’éloigné des projecteurs, il reste profondément ancré dans le cœur des Marocains. Discret dans les médias, il continue d’être honoré dans des festivals comme Mawazine ou Fès des musiques sacrées, et dans des émissions hommage. Son aura reste intacte, portée par un public fidèle qui voit en lui une icône intemporelle de la chanson marocaine.
Quand le silence devient un message : le retrait volontaire d’Abdelhadi Belkhayat
Dans une époque où la célébrité rime avec visibilité constante, le retrait volontaire d’Abdelhadi Belkhayat fut un acte fort. Au sommet de sa gloire, il choisit de se retirer, non par lassitude, mais par conviction spirituelle profonde. Guidé par sa foi, il s’éloigne des studios et des projecteurs, refuse les honneurs faciles, et embrasse une vie tournée vers le recueillement, les cercles soufis et le silence intérieur. Ce choix, déconcertant pour certains, a renforcé le respect du public, qui perçoit en lui une légende intègre. Et paradoxalement, son silence a rendu sa voix encore plus précieuse.
« J’ai chanté l’amour, la douleur, la vie… Puis un jour, j’ai compris que le silence pouvait être le chant le plus vrai. Quand on se retire, ce n’est pas pour fuir, mais pour écouter ce que la musique ne peut plus dire. »
Une santé fragile, mais un respect intact : le Maroc veille sur son poète silencieux
À 85 ans, Abdelhadi Belkhayat vit en retrait, entre discrétion, foi et sérénité. Sa santé, quoique stable, l’oblige à se ménager. S’il apparaît rarement, les Marocains ne l’oublient pas : son aura demeure intacte. Son choix de se consacrer à la spiritualité est perçu comme un acte de sagesse. Pour beaucoup, il incarne l’élégance du silence et la noblesse des convictions. Ses chansons continuent de vibrer dans les mariages, les radios, les cœurs. Même absent, Belkhayat demeure un monument vivant, célébré pour son intégrité, sa voix unique et son héritage immatériel.
Baromètre Actu-Maroc – Abdelhadi Belkhayat
Critère | Note /10 | Commentaire |
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Voix & technique vocale | 10/10 | Une voix grave, chaude et travaillée. |
Répertoire musical | 10/10 | Un trésor de la chanson sentimentale et spirituelle. |
Impact culturel | 10/10 | Une légende respectée au Maroc et dans le monde arabe. |
Présence médiatique | 3/10 | Discret par choix, mais jamais oublié. |
Héritage et transmission | 10/10 | Ses œuvres sont éternelles. |
Malgré un attachement fort au Maroc, Belkhayat s’est imposé dans tout le monde arabe. Son élégance vocale, son arabe littéraire parfait et la qualité de ses compositions ont marqué le public de Beyrouth à Bagdad, en passant par le Caire. Il reste pour beaucoup d’artistes arabes un modèle d’élévation artistique.
La trace laissée dans la mémoire collective : un patrimoine vivant
Plus qu’un chanteur, Abdelhadi Belkhayat est un compagnon de mémoire, une voix qui accompagne les Marocains dans les grandes émotions de la vie. Ses chansons résonnent dans les moments heureux comme dans les instants de recueillement. Elles constituent un héritage commun, un socle de l’identité musicale nationale.
Il n’est pas soufi mais avec Jamaat Tabligh wa Daawa
L’article est studieux mais je pense que l’auteur doit être trés jeune ou qu’il n’a pas suffisemment cherché. Abdelhadi était déjà au Top bien longtemps avant la chanson « bent nass ». Son répértoir était déjá riche de dizaines de succés.