Lors d’une journée d’étude organisée par la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme à la Chambre des représentants, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a appelé à une régulation urgente de l’intelligence artificielle (IA) et des réseaux sociaux. Reconnaissant avoir auparavant exprimé des réticences face à ce chantier, le ministre estime désormais que le moment est venu d’intervenir pour protéger les droits fondamentaux des citoyens.
Réseaux sociaux et vie privée : un équilibre à trouver
Ouahbi a souligné que l’État a pour mission de protéger la vie privée des individus, mais sans empiéter sur leurs libertés fondamentales. Il a insisté sur la distinction entre les libertés limitées dans l’espace public et celles inviolables dans la sphère privée. « Il ne devrait pas être acceptable que nos vies privées soient placées sous la surveillance de l’État ou exposées par d’autres », a-t-il affirmé.
Le ministre a déploré les abus fréquents sur les réseaux sociaux, tels que la diffusion de données personnelles, de photos ou d’informations privées sans consentement. Illustrant son propos, il a évoqué le cas d’un avocat qui discutait publiquement des affaires judiciaires de sa cliente, une pratique qu’il juge incompatible avec le respect de la vie privée.
Intelligence artificielle : des questions éthiques et juridiques cruciales
Sur le volet technologique, Ouahbi a mis en garde contre les risques liés à l’intelligence artificielle, affirmant que cette dernière n’est ni neutre ni innocente. Il a expliqué que les algorithmes reflètent les intentions et les intérêts de leurs créateurs, et que leur utilisation peut orienter des décisions ayant des impacts majeurs sur la vie quotidienne des citoyens.
Le ministre a soulevé des interrogations sur la responsabilité en cas de crime impliquant des machines ou des systèmes d’IA. « Qui est responsable lorsqu’un robot ou une machine cause un dommage ? Est-ce le concepteur de l’algorithme, le fabricant ou l’utilisateur ? » a-t-il questionné, rappelant qu’aucune machine ne peut être tenue pour responsable au même titre qu’un être humain.
Le défi de la régulation : entre libertés et sécurité
Revenant sur des incidents passés, Ouahbi a évoqué une affaire survenue dans les années 1990, où une personne avait détourné une somme importante grâce à une carte bancaire. Bien que la loi ait initialement incriminé cette personne, un cas similaire en France avait conduit à un jugement selon lequel l’absence de cadre légal clair empêchait de qualifier l’acte de vol.
Ces exemples illustrent l’urgence de mettre en place des régulations adaptées pour encadrer l’utilisation des technologies modernes tout en préservant les droits des citoyens.
Les droits de l’homme : entre politique et manipulation
Abordant ses expériences lors de réunions du Conseil des droits de l’homme à Genève, Ouahbi a dénoncé la politisation des questions relatives aux droits humains. « Ce que j’ai vu, ce n’est pas la défense des droits de l’homme, mais de la politique déguisée en droits humains », a-t-il déclaré, tout en appelant à une approche plus sincère et moins biaisée dans ce domaine.
Une vision pour un cadre éthique et juridique moderne
Le ministre a conclu en soulignant la nécessité d’une action législative pour aligner les pratiques avec les évolutions technologiques et sociales. Il a plaidé pour une charte nationale sur la mobilité et une réforme en profondeur des lois relatives aux réseaux sociaux et à l’intelligence artificielle, afin d’assurer un équilibre entre innovation et respect des droits fondamentaux.