La Cour d’appel de Casablanca a vécu, ce jeudi 13 novembre 2025, une nouvelle audience à haute tension dans le dossier tentaculaire connu sous le nom d’« Escobar du Sahara ». Lors de sa plaidoirie, le vice-procureur général du Roi a dressé un tableau accablant des relations qui liaient, selon l’accusation, l’ancien président du Wydad de Casablanca, Saïd Naciri, l’ex-président de la région de l’Oriental, Abdennabi Bioui, et le baron de la drogue international, El Haj Ahmed Ben Brahim, alias « Escobar du Sahara ».
Des relations « solides » et des intérêts financiers croisés
Le représentant du ministère public a affirmé que les liens entre « Escobar du Sahara » et les deux responsables marocains étaient « étroits et non pas fortuits », fondés sur des « intérêts financiers mutuels ».
Selon lui, les éléments du dossier montrent que Saïd Naciri a continué à envoyer de l’argent à un ressortissant malien après l’arrestation de ce dernier, ce qui, aux yeux de l’accusation, témoigne de la persistance de ces relations.
Le parquet a également rappelé que de nombreux témoins ont confirmé la fréquence des visites de Saïd Naciri et d’Abdennabi Bioui au domicile d’« Escobar du Sahara », renforçant l’hypothèse d’un réseau structuré plutôt que de simples contacts isolés.
40 tonnes de drogue et un rôle « central » dans la logistique
L’un des volets les plus lourds de cette affaire concerne la saisie spectaculaire de 40 tonnes de résine de cannabis à El Jadida en 2015.
Le vice-procureur a indiqué que Saïd Naciri aurait participé à cette opération en contribuant à hauteur d’une tonne et demie de chira, tandis qu’Abdennabi Bioui serait, selon l’accusation, un « membre principal » de la chaîne de trafic et de transport des stupéfiants au sein du réseau.
Le ministère public a insisté sur le rôle déterminant joué par Naciri dans la mise en circulation des camions utilisés. Il aurait, d’après l’accusation, permis l’obtention des certificats d’immatriculation auprès d’une agence d’assurance, documents nécessaires pour autoriser les véhicules à circuler sur le réseau routier national.
De son côté, Abdennabi Bioui aurait accueilli ces camions dans un dépôt appartenant à sa société. Il a d’ailleurs reconnu, selon le parquet, avoir acheté ces véhicules à « Escobar du Sahara », ce qui les intègre directement dans la chaîne logistique du trafic présumé.
Des voitures dans le garage du Wydad
Autre élément troublant relevé par le représentant du ministère public : Saïd Naciri aurait reçu de la part d’El Haj Ben Brahim six voitures déposées dans le garage du Wydad de Casablanca, club qu’il présidait à l’époque.
Le parquet estime que ce fait est « établi » au vu des pièces versées au dossier, et y voit un indice supplémentaire de relations financières et matérielles dépassant largement le simple cadre personnel.
Une affaire emblématique aux répercussions politiques et sportives
Ce procès, très médiatisé, mêle à la fois grands enjeux de lutte contre le trafic international de drogue, responsabilités politiques au plus haut niveau local et retombées sur le monde du sport et du football national.
La présence dans le box des accusés de figures connues du grand public, comme l’ancien patron du Wydad et l’ex-président d’une région stratégique du Royaume, confère à ce dossier une portée symbolique considérable.
Pour le parquet, la démonstration est claire : les liens entre notables, élus et grand banditisme ne relevaient pas d’un simple hasard, mais d’une véritable convergence d’intérêts.
Prochaine étape : la parole à la défense
Alors que les réquisitions de l’accusation se poursuivent, la Cour est appelée à consacrer les prochaines audiences aux plaidoiries de la défense.
Ce n’est qu’à l’issue de ces interventions, parfois tout aussi décisives, que le dossier sera mis en délibéré en vue du prononcé des jugements.
Dans l’attente, l’opinion publique reste suspendue à l’issue d’un procès qui, au-delà des personnes, pose la question de la capacité des institutions à démanteler durablement les passerelles entre réseaux criminels et sphères de pouvoir.










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