À l’approche de l’Aïd al-Adha 2025, plusieurs pays musulmans font face à une crise sans précédent concernant l’approvisionnement en moutons destinés au sacrifice rituel. Le Niger, l’Algérie et le Maroc, chacun à leur manière, prennent des mesures pour faire face à cette situation.
Niger : Interdiction d’exporter le bétail pour stabiliser le marché intérieur
Le Niger a décidé d’interdire temporairement l’exportation de son bétail afin d’assurer un approvisionnement suffisant du marché national. Cette mesure, annoncée par le ministre du Commerce Abdoulaye Seydou, vise à prévenir une flambée des prix et à permettre aux citoyens d’accomplir le rituel du sacrifice dans des conditions accessibles. Le pays, où plus de 90 % de la population est musulmane, fait face à une insécurité persistante dans les zones pastorales, où les groupes jihadistes multiplient les vols de troupeaux, provoquant la fuite des éleveurs. Bien que traditionnellement exportateur vers le Nigeria et la Côte d’Ivoire, le Niger doit aujourd’hui protéger ses ressources internes. Les forces de sécurité ont reçu l’ordre de faire respecter strictement cette interdiction, illustrant la volonté des autorités de placer l’intérêt national au-dessus des échanges commerciaux pendant cette période sensible.
Algérie : pénurie de moutons et files d’attente dès l’aube, entre promesses brisées et indifférence sociale
En Algérie, la situation à l’approche de l’Aïd al-Adha est tout aussi préoccupante, voire choquante pour une population déjà fragilisée par une inflation galopante. Depuis plusieurs jours, des scènes surréalistes se répètent : des citoyens, parfois âgés, faisant la queue dès l’aube dans l’espoir d’acheter un mouton, devenu à la fois rare et inabordable. La sécheresse persistante et l’explosion du prix des aliments pour bétail ont entraîné un effondrement du cheptel national, aggravé par une absence criante de planification et de soutien concret aux éleveurs.
Malgré les ressources considérables du pays, notamment en hydrocarbures, les autorités algériennes peinent une fois de plus à répondre à une demande sociale pourtant prévisible. Les promesses d’encadrement des prix, de subventions ciblées ou d’importations à grande échelle sont restées lettre morte, trahissant une indifférence politique chronique aux réalités humaines. Une situation qui révèle, une fois encore, le fossé béant entre les discours officiels et la souffrance quotidienne des citoyens.
Maroc : Suspension exceptionnelle du sacrifice sur instructions royales
Le Maroc, confronté à une sécheresse sévère et à une diminution de 38 % de son cheptel depuis 2016, a pris une mesure inédite. Sur instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les Marocains sont invités à s’abstenir d’accomplir le rite du sacrifice de l’Aïd al-Adha cette année. Cette décision vise à préserver l’équité sociale et à éviter une pression supplémentaire sur les ménages à revenus modestes. Le Souverain a souligné l’importance de célébrer l’Aïd dans sa dimension spirituelle, à travers la prière, l’aumône et le renforcement des liens familiaux.
Entre foi, pénurie et inégalités : quand l’Aïd al-Adha met à nu les fractures du monde musulman
Cette triple gestion de crise à l’échelle du Niger, de l’Algérie et du Maroc illustre combien la symbolique de l’Aïd al-Adha, fête de partage et de foi, se heurte cette année à des réalités économiques, sociales et climatiques d’une gravité inédite. Si certains gouvernements tentent de protéger leur marché intérieur ou de préserver l’équilibre social, d’autres laissent transparaître leur incapacité chronique à anticiper et à soutenir leur population. Entre choix courageux, promesses non tenues et mesures d’urgence, l’Aïd 2025 s’annonce moins comme un moment de réjouissance collective que comme un révélateur brutal des failles structurelles du monde musulman face à une crise du mouton devenue, elle aussi, globale.