Alors qu’il était attendu des Marocains qu’ils fassent preuve de responsabilité et de discipline en suivant les recommandations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en sa qualité de Commandeur des Croyants, appelant à ne pas sacrifier de mouton cette année afin de préserver le cheptel national après des années de sécheresse, c’est une tout autre réalité qui s’est imposée sur le terrain.
Une véritable frénésie s’est emparée d’une large frange de la population, donnant lieu à des comportements parfois inqualifiables et irrationnels, dignes d’une ruée incontrôlée vers la viande. Les abats, particulièrement prisés en cette période, ont été l’objet de toutes les convoitises, provoquant une flambée spectaculaire des prix. Dans certains quartiers, le kilo a atteint les 600 dirhams, pour les plus chanceux ayant pu réserver leur part auprès de bouchers dépassés par l’ampleur de la demande.
Malgré la mobilisation des autorités pour faire respecter les orientations royales — dix jours avant l’Aïd et vingt jours après — le relâchement a été flagrant. Beaucoup se sont précipités vers les boucheries, redoutant à tort une pénurie prolongée de viande ovine, qu’ils ont préféré stocker comme en prévision d’un siège.
Poussée à l’extrême, cette quête de viande a vu certains citoyens invoquer des baptêmes fictifs pour contourner la recommandation royale, usant de subterfuges et de justifications contraires aux valeurs religieuses.
Résultat : la viande de mouton a disparu des étals, alimentant des circuits parallèles de trafic et de spéculation. L’effet de Panurge — cette tendance à suivre aveuglément la foule — semble avoir tristement triomphé, au détriment de la sagesse collective et de l’esprit de solidarité prônés par les plus hautes autorités du pays.
Par Jalil Nouri