Encore un limogeage. Moins de deux mois après le départ brutal du commandant de la gendarmerie, et quelques jours après l’éviction du patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’Algérie vient de perdre un autre de ses hauts gradés sécuritaires. Cette fois, c’est Ali Badaoui, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), qui est débarqué, à peine 16 mois après sa nomination.
Il aurait été remplacé par Hadj Said Arezki, inspecteur général des services de police, dans ce qui s’apparente à une énième manœuvre de « restructuration » sécuritaire… ou plutôt à une purge à ciel ouvert.
Car en Algérie, les limogeages dans les sphères du pouvoir ne sont plus des événements ponctuels : ils sont devenus structurels. Entre avril 2020 et mai 2025, pas moins de 15 chefs des services de renseignements ont été démis de leurs fonctions. À ce rythme effréné – un départ tous les quatre mois – c’est une véritable roulette russe qui se joue au sommet de l’appareil sécuritaire.
Une mécanique bien huilée : d’abord la rumeur, ensuite la confirmation
Comme souvent, la rumeur a précédé l’annonce officielle. Le départ d’Ali Badaoui a été soufflé sur les réseaux sociaux le même jour que l’installation du général Hassan à la tête de la DGSI, successeur de Nacer El Djenn. Ce dernier, rappelons-le, avait pris les rênes après l’AVC de Kemal Meddoub Kehal. Son limogeage, relayé sans images, sans cérémonie télévisée, a laissé transparaître les tensions explosives entre les clans militaires.
Tebboune et Chengriha, des pyromanes en uniforme
Le président Abdelmadjid Tebboune et son chef d’état-major Said Chengriha apparaissent comme les principaux artisans de cette instabilité. À force de faire et défaire les têtes des appareils sécuritaires, ils ont transformé les services de renseignement en champ de ruines, minés par les règlements de comptes internes, la paranoïa, et un pouvoir qui gouverne dans l’urgence permanente.
Depuis qu’il a succédé à Khelifa Ounissi, qu’il a sacrifié sur l’autel des abus contre les militants du Hirak, Tebboune en est à son quatrième patron de la police nationale, sans jamais avoir pu asseoir une continuité ou une vision stratégique durable.
Des généraux sous pression, une armée en décomposition
Le climat est délétère. L’armée algérienne est davantage engagée dans des luttes intestines que dans la défense des intérêts du pays. Les limogeages se soldent souvent par des incarcérations, et les hauts gradés vivent dans une peur constante, davantage préoccupés par la protection de leurs familles que par leur mission régalienne.
La mise à la retraite du général-major Amar Athamnia, pourtant considéré comme l’un des meilleurs officiers du pays, illustre à quel point l’arbitraire et le ressentiment sont devenus les seuls critères de gestion de carrière.
Un État réduit à un théâtre d’ombres
À mesure que les purges s’accumulent, le régime algérien perd toutes les caractéristiques d’un véritable État. La télévision nationale ressemble davantage à un organe de propagande qu’à un média public, tandis que les tensions avec les voisins – Maroc, France, Espagne, pays du Sahel – s’aggravent sans stratégie cohérente.
Dans cette voyoucratie sécuritaire, le peuple observe, désabusé, une élite qui dérive, enfermée dans ses rivalités intestines. Et la police, comme les autres piliers de l’État, n’est plus qu’un pion sur un échiquier instable.