L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été gracié ce mercredi 12 novembre par le président Abdelmadjid Tebboune, après une médiation décisive du président allemand Frank-Walter Steinmeier. Berlin assumera désormais son transfert et sa prise en charge médicale en Allemagne, au nom de “considérations humanitaires”, alors que l’auteur, détenu depuis novembre 2024, souffre d’un cancer.
Cette issue intervient quarante-huit heures après l’appel public de Steinmeier invitant Alger à un “geste humanitaire”, et clôt une séquence de fortes pressions diplomatiques où Paris a discrètement épaulé la démarche allemande. Emmanuel Macron a salué un “geste d’humanité” et remercié son homologue allemand, signe d’une coordination étroite Paris-Berlin qui a pesé dans le dénouement de cette affaire sensible.
Sansal, figure littéraire mondialement reconnue et auteur d’œuvres engagées comme “Le Serment des barbares” ou “2084, la fin du monde”, avait été condamné à cinq ans de prison pour “atteinte à l’unité nationale”, des accusations selon Alger à des déclarations critiques envers le pouvoir algérien. Sa détention, jugée arbitraire, et l’aggravation de son état de santé avaient suscité une mobilisation d’écrivains, d’ONG et d’institutions européennes, dénonçant une dérive autoritaire du régime.
Cette grâce n’efface toutefois pas le climat de répression qui règne en Algérie. Depuis plusieurs années, les autorités s’emploient à museler les voix libres qui osent critiquer le régime ou simplement penser autrement. Écrivains, journalistes, blogueurs et militants sont régulièrement poursuivis pour “atteinte à l’unité nationale” ou “diffusion de fausses informations”, des accusations souvent brandies pour faire taire toute opinion divergente. Les rares espaces d’expression indépendante se réduisent comme peau de chagrin, tandis que l’autocensure gagne la presse nationale. La libération de Boualem Sansal, obtenue sous la pression internationale, met ainsi en lumière l’ironie d’un pouvoir qui, tout en affichant un geste d’humanité, continue de fermer les bouches qui parlent trop haut.
La grâce et l’exfiltration sanitaire vers l’Allemagne constituent donc un signal politique autant qu’humanitaire : Alger apaise une crise diplomatique qui empoisonnait ses rapports avec Paris et Berlin, tout en cherchant à sauver la face à l’international. Mais derrière le vernis de compassion, le verrouillage des libertés et la peur d’une parole libre demeurent intacts dans un pays où la littérature, plus que jamais, reste un acte de résistance.
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