Dimanche dernier, un mouvement de foule meurtrier a endeuillé la Guinée, où des dizaines de supporters ont trouvé la mort dans le stade de N’Zérékoré. Ce drame, survenu lors d’un match de football, dépasse les frontières du sport pour révéler des dysfonctionnements graves dans la gestion des rassemblements publics et des tensions politiques croissantes sous la junte au pouvoir.
Un match à forte charge symbolique
La rencontre opposait l’équipe locale à celle de Labé dans le stade vétuste du 3-Avril, devant une foule nombreuse. Le match, organisé sous l’égide d’un trophée au nom du général Mamadi Doumbouya, chef de la junte militaire, s’est déroulé dans une atmosphère tendue. Selon les témoignages, tout a basculé dans le dernier quart d’heure : l’expulsion controversée de deux joueurs de Labé a conduit à l’intervention directe d’un ministre présent dans les tribunes, qui a fait annuler un carton rouge.
Alors que le score était de 0-0 et que le temps additionnel touchait à sa fin, un penalty a été accordé à l’équipe locale, provoquant incompréhension et colère. Des spectateurs ont commencé à jeter des pierres sur le terrain, déclenchant une riposte des forces de sécurité à coups de gaz lacrymogènes.
Des conditions d’évacuation catastrophiques
La panique s’est rapidement installée parmi les spectateurs. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des scènes de chaos : des supporters escaladant les murs pour échapper à l’étouffement, tandis que d’autres tentaient de se faufiler par des issues insuffisantes.
Deux sorties étaient disponibles : une grande, obstruée par des véhicules des forces de sécurité, et une petite, inadaptée pour une foule de cette ampleur. Les bousculades ont conduit à un bilan humain dramatique. Si le gouvernement évoque un chiffre provisoire de 56 morts, d’autres sources font état de bilans bien plus lourds, allant jusqu’à 135 décès. Des témoignages rapportent également des blessures graves, avec des spectateurs percutés par les véhicules des officiels tentant de quitter les lieux.
Un drame qui dépasse le sport
Ce drame a ravivé des blessures profondes en Guinée, rappelant le massacre de 2009 au stade de Conakry, où la répression d’un rassemblement politique avait fait 156 morts selon l’ONU. Cette nouvelle tragédie souligne des failles persistantes dans la gestion des rassemblements publics et la réponse sécuritaire des autorités, souvent accusées d’usage excessif de la force.
La rencontre était organisée par une « Alliance des jeunes leaders de la forêt », un groupe présumé proche de la junte. Cet événement, censé promouvoir le football populaire, est désormais vu par de nombreux critiques comme un outil politique visant à asseoir l’influence du général Doumbouya, dans un contexte où les élections présidentielles restent incertaines.
Des responsabilités pointées et des appels à la justice
Face à l’émotion nationale et aux appels internationaux, le général Doumbouya a annoncé la création d’une commission d’enquête pour identifier les causes et les responsabilités de cette tragédie. Cependant, de nombreux Guinéens doutent de la transparence de cette démarche, compte tenu des précédents similaires où les enquêtes n’ont pas abouti.
Le Front national de défense de la Constitution, une des dernières voix d’opposition en Guinée, tient la junte pour directement responsable de ce drame. Le collectif accuse le régime d’instrumentaliser le sport et de faire preuve d’une incurie dans l’organisation des événements, au détriment de la sécurité des citoyens.
Un appel à des réformes urgentes
Ce drame met en lumière des problématiques plus larges, allant de la gestion des infrastructures sportives à la responsabilité des forces de sécurité. Il interpelle également sur l’instrumentalisation du sport à des fins politiques, dans un pays où les tensions sociales et communautaires restent vives. Les appels à des réformes, tant dans l’organisation des événements sportifs que dans le rôle des forces de sécurité, se multiplient pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.
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Actu-maroc.com Avec AFP