L’engagement du Maroc dans l’organisation de la CAN 2025, et du la Coupe du monde 2030, en collaboration avec l’Espagne et le Portugal, représente une initiative qui va bien au-delà du simple aspect sportif. Pour le Maroc, ces deux manifestations internationales ne sont pas simplement des événements temporaires ; elles font partie d’une stratégie à plusieurs facettes. Ces initiatives reflètent la détermination de l’État à considérer le sport comme un moteur de développement, un canal pour attirer les investissements et une plateforme affirmant la diplomatie et la culture sur la scène mondiale.
Ce qui distingue l’expérience marocaine, c’est l’effort entrepris pour associer les préparatifs de la CAN 2025 et de la Coupe du monde à des projets de réforme plus profonds touchant aux infrastructures, aux transports, à la santé et aux environnements urbains. Les chantiers actuellement en cours ne sont pas des initiatives isolées, mais s’inscrivent dans la vision globale de développement poursuivie depuis le lancement du nouveau modèle de développement.
Reste une question essentielle : dans quelle mesure ces projets laisseront-ils une empreinte durable une fois la fête sportive achevée ?Au cours des dernières années, le Maroc a montré sa compétence à réaliser des progrès notables dans divers domaines : énergies vertes, infrastructures, grands projets industriels. Il a aussi renforcé sa position dans le domaine de la diplomatie sportive, grâce aux résultats remarquables de ses équipes nationales et à ses succès en matière d’organisation. Toutefois, ces accomplissements, bien que significatifs, doivent être pleinement intégrés aux politiques publiques pour éviter de rester purement symboliques ou conjoncturels.
Les succès récents du sport marocain illustrent cette dynamique ascendante. La victoire de l’équipe nationale des jeunes à la Coupe du monde au Chili, le 20 octobre 2025, n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’années de travail méthodique : développement des centres de formation, modernisation des infrastructures sportives, professionnalisation des encadrements. Ce triomphe symbolique dépasse la seule performance sportive ; il révèle la maturité d’un projet national d’ensemble qui commence à porter ses fruits.
Comme le rappelait Nelson Mandela dans son discours de 2000 : « Le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’unir les peuples d’une manière que peu d’autres moyens permettent. » Sous cet angle, le lien entre sport et développement apparaît plus clair que jamais. Les stades modernes reflètent l’ambition d’un pays désireux d’inscrire la culture de la qualité dans tous les secteurs. Il n’est donc pas surprenant que des voix s’élèvent au Maroc pour que cet esprit d’excellence irrigue également l’éducation et la santé, afin que la qualité devienne une norme nationale plutôt qu’une exception liée à un événement particulier.
Le défi majeur qui se pose aujourd’hui au Maroc est de transformer l’élan sportif en acquis durables. Le sport, en tant que forme de puissance douce, peut renforcer l’image du pays et attirer les investissements. Comme l’a souligné Joseph Nye, théoricien du soft power : « La puissance douce, c’est la capacité d’attirer plutôt que de contraindre, et le sport est l’un des outils d’attraction les plus puissants, car il constitue un langage universel. » Mais le sport seul ne peut garantir un développement durable.Cela nécessite des réformes institutionnelles majeures dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la gouvernance, pour transformer la perspective stratégique en améliorations concrètes pour les citoyens.
En somme, la préparation de la CAN 2025 et de la Coupe du monde 2030 reflète l’aspiration d’un Maroc renouvelé, soucieux de combiner infrastructures modernes et équité sociale. C’est également un test de maturité pour le développement du pays ainsi que sa capacité à équilibrer l’image internationale et les nécessités de réformes internes. Au fond, le développement est un chemin de longue haleine fondé sur la justice sociale, la durabilité, l’exigence de qualité, la responsabilité et la bonne gouvernance.
Éviter l’émergence d’un Maroc à deux vitesses constitue aujourd’hui un impératif stratégique et moral. Le développement ne peut être considéré comme authentique que s’il bénéficie à l’ensemble des citoyens, sans distinction de lieu de résidence, de statut social ou de niveau de revenu. Un pays qui progresse de manière fragmentée — où une frange de la population accède à l’excellence tandis qu’une autre reste confinée dans la précarité — risque de compromettre sa cohésion sociale, son attractivité économique et sa stabilité à long terme.
Dans cette perspective, il est essentiel de garantir à tous les Marocains un accès équitable à une éducation de qualité. L’école demeure le premier vecteur d’émancipation et le meilleur instrument de mobilité sociale. De même, offrir à la jeunesse marocaine une formation solide et adaptée aux besoins du marché du travail permet de libérer un potentiel considérable.
Le droit à des soins de santé de qualité, accessible à tous et partout, constitue une autre pierre angulaire de la justice sociale. La santé est un bien fondamental, non négociable, qui conditionne toutes les autres dimensions du développement humain. Renforcer les hôpitaux régionaux, moderniser les infrastructures médicales, attirer et retenir les compétences, améliorer les services d’urgence, réduire les délais de traitement : autant de chantiers qui ne doivent pas profiter uniquement aux grandes villes, mais s’étendre aux zones rurales et aux régions enclavées.
À cela s’ajoute la nécessité de faciliter l’accès à l’emploi décent, moteur de dignité et d’intégration sociale. Le marché du travail marocain ne pourra relever ses défis que si les politiques publiques favorisent la création d’opportunités partout dans le pays — non seulement dans les pôles économiques traditionnels, mais aussi dans les provinces moins dotées, afin d’éviter l’exode massif vers les villes et l’aggravation des fractures sociales.
L’importance de l’administration publique et des services sociaux est tout aussi cruciale. Une administration efficiente, claire et à l’écoute des citoyens est un gage de confiance. L’allégement des démarches administratives, la limitation de la bureaucratie, la lutte contre les abus et l’encouragement à la digitalisation des services sont des actions clés pour rétablir l’équité territoriale et renforcer le sentiment d’appartenance au pays.
En définitive, le perfectionnement des prestations logistiques, du transport et de la connectivité joue un rôle direct dans la diminution des disparités territoriales. L’évolution d’un pays ne peut être harmonieuse si certaines zones sont négligées, mal connectées ou manquent d’infrastructures essentielles.
Moha Ennaji est écrivain et chercheur affilié à L’Institut des Langues et Cultures de Fès. Ses ouvrages les plus récents sont: « Trahison et Châtiment» (2024, L’Harmattan); « Douce Lumière » (2021, Marsam).











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