En ce jour d’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations, le Maroc se regarde dans le miroir du monde. Comme à chaque grand événement international, il ne s’agit pas seulement de sport ou de cérémonies, mais aussi de récit. La manière dont les médias racontent ce moment contribue directement à façonner l’image du pays bien au-delà de ses frontières.
Le point de départ de cette réflexion est une formulation relevée dans un article de presse française publié dans Le Parisien, à l’occasion de l’ouverture de la CAN. L’article évoque le « Prince Moulay Abdellah Stadium » qui « va accueillir la traditionnelle cérémonie d’ouverture avant le début de cette compétition qui couronnera un nouveau roi ».
La première source de brouillage tient à l’ordre des mots et l’usage d’un anglicisme partiel dans un journal s’adressant à un public français. En français, la dénomination usuelle est stade Prince Moulay Abdellah. L’inversion opérée place le mot Prince en tête, avant que le lecteur n’identifie qu’il s’agit d’un équipement sportif. Pendant un instant cognitif, l’attention se porte sur une figure institutionnelle, non sur un lieu. Le terme Stadium vient ensuite rétablir le sens.Le verbe accueillir, courant dans le langage institutionnel, accentue encore cette personnification implicite : on accueille aussi bien une cérémonie officielle qu’un hôte de marque. Pris isolément, le mot est banal ; inséré dans une chaîne déjà ambiguë, il renforce l’effet.
Enfin, l’expression « couronner un nouveau roi » achève cette séquence. La métaphore est connue dans le sport, mais elle reste moins courante que sacrer un champion. Associée aux mots Prince et accueillir, elle peutévoquer autre chose qu’un simple sacre sportif. Là encore, il ne s’agit pas de l’intention, mais de l’effet cumulatif.
C’est précisément ce point qui mérite d’être souligné : aucun de ces mots n’est problématique pris séparément. C’est leur enchaînement, leur ordre et leur charge symbolique qui rendent la lecture potentiellement confuse. Depuis quand, en effet, les vainqueurs d’une compétition sont-ils spontanément perçus comme des rois, surtout lorsqu’un Prince ouvre la phrase et qu’il est question d’accueil et de cérémonie ?
Cette question du cadrage lexical s’inscrit dans une réflexion plus large déjà abordée dans les colonnes d’Actu-Maroc, notamment à propos de traitements médiatiques où des mots comme énigme, ombre ou secrets installent une distance symbolique avant même l’analyse des faits. Dans ces cas comme dans celui-ci, ce n’est pas tant l’information qui pose problème que lamanière de la raconter.D’autres choix rédactionnels étaient pourtant possibles sans rien enlever au rythme ni à l’attrait du récit : parler du « stade Prince Moulay Abdellah, à Rabat » ou préciser « le nouveau roi du football africain » aurait suffi à lever toute ambiguïté.
L’enjeu dépasse donc un simple débat sémantique. Il touche à la responsabilité médiatique dans un monde où les contenus sont lus rapidement, partagés hors contexte et réduits à quelques mots-clés. En période de forte visibilité internationale, une écriture imprécise peut nourrir des malentendus durables. À l’inverse, une langue attentive aux sensibilités locales et rigoureuse dans ses images contribue à une perception plus juste du Maroc : un pays fier de sa monarchie, de son football et de la manière dont il accueille le reste du continent.
Par Dr Wadih Rhondali – Psychiatre










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