Le Maroc vit une nouvelle alerte sur le front cybernétique. Le ministère de la Justice a été la cible d’une attaque informatique de grande ampleur, revendiquée par le groupe de hackers « Jabaroot », un collectif déjà identifié dans plusieurs incursions numériques antérieures. Lié, selon des sources concordantes, aux services secrets algériens, ce groupe est soupçonné d’agir comme un bras numérique dans une guerre de l’ombre menée contre les intérêts névralgiques du Royaume.
Cette nouvelle opération, aussi audacieuse que préoccupante, survient après d’autres offensives similaires visant la CNSS, le ministère de l’Emploi, ou encore la plateforme notariale Tawtik, rattachée à la Conservation foncière. Cette fois-ci, la cible est hautement stratégique : le ministère de la Justice. Selon les revendications du groupe Jabaroot, les pirates affirment détenir des données sensibles, y compris des fichiers personnels du ministre Abdellatif Ouahbi, de quelque 5.000 magistrats, 35.000 responsables du secteur judiciaire, et de milliers de justiciables.
Face à cette multiplication des attaques, un constat s’impose : le Maroc fait face à une véritable cyberguerre. La sophistication croissante des offensives et leur ciblage sélectif confirment l’existence d’une stratégie hostile bien coordonnée. Seuls quelques bastions technologiques semblent aujourd’hui épargnés : les systèmes des Forces Armées Royales, de la Sûreté Nationale, ou encore ceux de Bank Al-Maghrib apparaissent, pour l’heure, comme des forteresses numériques impénétrables.
Une riposte nationale urgente s’impose
L’heure est à la mobilisation générale. Pour de nombreux experts en cybersécurité, la priorité doit être la refonte complète de l’architecture de protection des systèmes d’information dans les ministères et établissements publics. À commencer par l’assainissement du secteur lui-même. Les marchés publics liés à la sécurité informatique, souvent attribués sans réelle transparence ni évaluation des compétences, apparaissent comme un maillon faible, voire un facteur aggravant.
Une solution envisagée à court terme serait de rapatrier les compétences marocaines de haut niveau évoluant à l’étranger, notamment dans des pôles technologiques de pointe comme la Silicon Valley. À l’instar de la politique menée par la Fédération Royale Marocaine de Football, qui a su mobiliser la diaspora sportive pour renforcer l’équipe nationale, une stratégie équivalente pourrait s’appliquer au domaine de la cybersécurité.
Mais cette ambition ne saurait suffire. Le véritable levier réside dans la constitution d’une task-force nationale dédiée à la cybersécurité. Dotée de moyens d’exception, cette cellule d’élite serait chargée d’élaborer une stratégie offensive et défensive, de centraliser les réponses aux incidents, et de mutualiser les bonnes pratiques déjà observées dans les rares structures marocaines ayant jusqu’ici résisté aux attaques.
Une bataille pour la souveraineté numérique
Au-delà de la dimension technique, c’est la souveraineté numérique du Maroc qui est aujourd’hui en jeu. Dans un contexte régional tendu, où la guerre de l’information et la déstabilisation numérique sont devenues des armes de confrontation indirecte, le Royaume ne peut se permettre la moindre faille.
Chaque donnée dérobée, chaque institution infiltrée, constitue une brèche stratégique et un préjudice à long terme. L’ennemi est invisible, mais sa menace est bien réelle. Le Maroc doit désormais se doter des remparts à la hauteur du défi.
Par Jalil Nouri