Le pays entier attendait ce discours. Le Roi a tout dit ou presque.
Les jeunes attendaient des promesses et des décisions. Le gouvernement se demandait si, pour lui, le glas n’avait pas sonné et si la démission n’était pas devenue inévitable. Beaucoup attendaient des réponses concrètes à la Genz, mais ce n’était ni l’endroit ni le moment… et certainement pas opportun de réagir à chaud.
Seulement voilà, Sa Majesté a rappelé qu’il était au-dessus de la mêlée. Et qu’indépendamment des conjectures et loin de la conjoncture socio-politique qui sévit actuellement, le Palais a pour mission de définir des orientations et des choix stratégiques qui s’inscrivent dans la durée du temps du règne.
Le Roi parle au temps long. Les gouvernants, eux, vivent dans le temps court. C’est toute la nuance entre la vision et la gestion, la différence entre le cap et la conjoncture. Le temps du règne n’est pas celui du mandat confié à l’exécutif !
Le Roi trace la voie !
Le Roi trace la voie, il reste au gouvernement de traduire les Orientations Royales en mesures concrètes, surtout pour les priorités nationales !
Le Roi trace la voie, et pour le reste, en ce qui concerne le court terme, il revient au gouvernement, à la classe politique et aux représentants de la Nation d’assumer leurs responsabilités, celles des mandats qui leur ont été confiés.
Oui, tout le monde attendait que Sa Majesté, même s’il s’agissait de la dernière rentrée de l’actuelle session parlementaire, intervienne directement dans le débat actuel. Mais cela révèle exactement la schizophrénie marocaine, car comment se fait-il que tout un pays espère que le Roi ramène sa baguette magique pour remédier à toute crise qui secoue le pays !?
Cela veut dire que les décideurs ne se décident jamais, n’assument pas leurs responsabilités, ou alors prennent de mauvaises décisions ou, pour certains, attendent que le salut vienne du Palais et que la décision se fasse en « haut lieu »!
Et après, on déplore que la Constitution ne soit pas encore effectivement appliquée !
Des institutions à consolider
Il y a une sagesse extrême dans cette raison d’État qui prône de ne pas céder au pouvoir de la rue, même si ces revendications sont légitimes, mais de les orienter vers les canaux institutionnels, avec cette volonté de consolider les institutions par ce nouveau souffle porté par les jeunes.
En effet, la fougue et l’énergie de cette jeunesse dont l’empressement pourrait s’enflammer portent en eux ce risque de dégénérer pour basculer vers des mouvements de foule incontrôlables, voire vers l’anarchie et vers un climat d’insurrection.
Il n’y a rien à gagner, et nous serons tous perdants, et cela c’est moi qui le pense et non pas Sa Majesté qui le dit, si les manifestations futures se transforment en affrontements, en violences urbaines radicales et en bain de sang.
D’autres pays ont volé en éclats en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et ont pu constater à leurs dépens combien de vautours piaffaient d’impatience pour les dévorer le moment venu !
Le discours de Sa Majesté est une réplique royale à la hauteur de Son statut : au-dessus de la mêlée, fédérateur historique, garant de stabilité et de justice sociale, en ce temps de crise de confiance entre un peuple au bord du désespoir, en mal de foi en l’avenir, et ses gouvernants plus ou moins crédibles, bien ou mal élus en 2021.
À quelques mois de la fin du mandat actuel, le Maroc se trouve à la croisée des chemins. Les institutions tiennent, mais la confiance s’effrite et s’étiole avec la déception et le ressentiment des promesses non-tenues et des ministres qui préfèrent garder le silence.
Un silence chez le chef du gouvernement et les ministres de la Santé et de l’Éducation, qui sont perçus comme un déni et un mépris par les jeunes manifestants de la Genz, et pas seulement par eux.
Le citoyen ne veut plus des promesses et des paroles, il veut des preuves et des certitudes, car la politique c’est un peu comme l’amour. Et il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.
Oui, les Marocains veulent du concret, les générations montantes en premier, avec une école qui forme, valorise et élève, une santé qui soigne sans ruiner et sans tuer, et une justice qui protège sans favoritisme!
Du concret avec le pouvoir d’achat, l’emploi, la qualité de vie et la dignité du citoyen.
La prochaine bataille ne sera pas celle des campagnes électorales des partis, mais celle de la mobilisation citoyenne, car il y a 18 millions d’électeurs potentiels, contre 8 millions seulement en 2021.
Le Maroc n’a peut-être pas besoin de nouveaux visages mais d’un nouvel esprit !
“Il ne devrait pas y avoir de rivalité entre les grands projets nationaux et les programmes sociaux” : Discours de Sa Majesté Mohammed VI
Sans raccourcis simplistes mais avec pragmatisme, le discours de Sa Majesté remet les priorités sociales à l’ordre du jour, en mettant l’accent sur la justice sociale, la justice spatiale et en mettant à l’index l’inertie bureaucratique !
Le peuple et les jeunes veulent des nouveaux visages et des profils de nouvelle génération, reste que l’enjeu ultime demeure l’amélioration concrète du système de gouvernance, dans le sens de la rationalité, de l’efficacité et de l’optimisation du coût du service public.
Le Maroc n’a peut-être pas besoin de nouveaux visages mais d’un nouvel esprit ! Et justement, le discours de Sa Majesté est un plaidoyer et un appel pour un nouvel esprit : celui du courage, de la cohérence, du sens du devoir et de la responsabilité.
Au nom de l’intérêt général et des intérêts suprêmes de la Patrie
Le règne trace la voie à suivre. À l’exécutif d’avoir enfin le courage de s’y inscrire, car la sanction par les urnes semble inévitable avec tous ces jeunes qui vont voter dans quelques mois.
Un mandat gouvernemental est une mission, et un contrat qui doivent être, in fine, en principe, tenus par le respect d’une obligation de résultats.
Faut-il rappeler que tous les ministres, tous les responsables territoriaux prêtent serment devant Sa Majesté et que tous les élus sont liés par un pacte moral avec les citoyens au nom de l’intérêt général et des intérêts suprêmes de la Patrie !?.
Le véritable enjeu aujourd’hui n’est plus qui gouverne, mais pourquoi si peu votent, car le taux de participation actuel et la perte de confiance sont un désaveu et un discrédit coupable pour la classe politique.
Même si le « Train Maroc », est malheureusement à plusieurs vitesses, et absolument pas à grande vitesse partout et pour tous les citoyens, il est vital de faire en sorte que le train ne déraille pas et que certaines régions et les populations les plus défavorisées ne restent pas sur le quai !
Et pour remédier à ce Maroc à plusieurs vitesses, qu’une nouvelle marche doit être décrétée et déclenchée, dans le sens du ruissellement et de la répartition équitable des richesses. On en reparlera certainement.
Par Hafid Fassi Fihri