Le dossier de Soukaina Benjelloun, influenceuse devenue célèbre en se présentant comme « la femme du divorce le plus cher du Maroc », continue de défrayer la chronique. La chambre correctionnelle du tribunal de Casablanca a décidé, ce mardi, de renvoyer l’examen de son affaire au 15 décembre, prolongeant ainsi sa détention préventive à la prison d’Oukacha.
Poursuivie pour diffamation à l’encontre de son ex-mari, Soukaina Benjelloun est au cœur d’un feuilleton judiciaire né de vidéos largement relayées sur TikTok et Instagram, où elle évoquait en détail son mariage, son divorce et les litiges financiers qui les opposent. Ces contenus ont conduit son ex-époux à déposer plainte, estimant que son honneur et sa vie privée avaient été gravement atteints. Le parquet de Casablanca a alors ouvert une enquête et ordonné son placement en détention provisoire.
Un renvoi qui relance les spéculations
Officiellement, le report de l’audience vise à permettre aux avocats de compléter leurs arguments et de prendre connaissance de l’ensemble du dossier, après l’arrivée de nouveaux défenseurs dans le camp du plaignant comme dans celui de la prévenue. Plusieurs sources judiciaires indiquent que le dossier était « prêt pour plaidoiries », mais que la cour a accédé à une demande de renvoi afin de respecter les droits de la défense.
En parallèle, les tentatives de règlement à l’amiable semblent dans l’impasse. L’ex-mari aurait posé une série de conditions, notamment l’engagement formel de ne plus citer son nom ni faire allusion à lui sur les réseaux sociaux, conditions jugées « excessives » par l’entourage de Soukaina Benjelloun. Cette dernière aurait refusé de signer un engagement qu’elle considère comme portant atteinte à sa liberté d’expression, ce qui a fait échouer, pour l’instant, tout compromis.
Une affaire qui divise l’opinion
Au-delà du strict cadre judiciaire, le cas Soukaina Benjelloun est devenu un miroir des tensions autour des réseaux sociaux et de la vie privée. Dans les commentaires en ligne, l’opinion apparaît profondément mitigée.
D’un côté, de nombreux internautes, parmi lesquels beaucoup de femmes, se disent touchés par son incarcération. Elles voient en elle une femme divorcée qui a osé raconter son histoire, briser les tabous autour des conflits conjugaux et mettre des mots sur des situations que vivent, en silence, beaucoup de Marocaines. Pour ces voix, la prison apparaît comme une sanction disproportionnée pour des propos tenus derrière un écran, et l’affaire remet sur la table la question de la pénalisation des délits de presse et d’opinion à l’ère numérique.
De l’autre, une partie non négligeable de l’opinion insiste sur la gravité du “tashhir”, le lynchage public sur Internet. Selon eux, la notoriété d’une influenceuse ne lui donne pas le droit de transformer sa vie privée en feuilleton au détriment de la réputation d’autrui. Ces internautes rappellent que la loi protège l’honneur et la vie privée, et que les contenus viraux peuvent détruire des familles et des carrières. Certains y voient même un signal adressé à l’ensemble des créateurs de contenu pour qu’ils respectent davantage les limites légales.
Symbole d’un débat plus large
L’affaire Soukaina Benjelloun intervient dans un contexte où plusieurs influenceurs ont récemment été inquiétés par la justice pour des faits de diffamation, d’escroquerie ou d’incitation, nourrissant le sentiment d’une “traque” des dérives des réseaux sociaux.
En attendant l’audience du 15 décembre, Soukaina Benjelloun reste derrière les barreaux, tandis que son dossier focalise un débat de fond : jusqu’où la liberté de raconter sa vie peut-elle aller lorsque celle-ci implique d’autres personnes ? Et comment trouver l’équilibre entre protection de la vie privée, lutte contre le harcèlement en ligne et respect de la liberté d’expression, en particulier pour ces femmes qui choisissent les plateformes numériques pour dire leur version de l’histoire ?
C’est à cette intersection entre justice, intimité et réseaux sociaux que se jouera la suite de ce procès très médiatisé, scruté de près par un public partagé… mais passionnément concerné.










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