Au Maroc, pays musulman à l’identité plurielle, la période de Noël continue, chaque année, de réserver des scènes aussi discrètes que déroutantes. Dans certains foyers, on achète un sapin, on le décore, on offre des jouets et l’on partage parfois une bûche, loin de toute référence religieuse. Une pratique minoritaire mais persistante, qui alimente débats et interrogations bien au-delà des salons où elle se joue.
Souvent attribuée à l’héritage du Protectorat français, cette coutume surprend encore nombre d’étrangers européens résidant au Royaume, y compris des Français, qui peinent à en comprendre les ressorts lorsqu’ils l’observent sans clés de lecture locales. Pourtant, pour ceux qui la perpétuent, l’explication la plus récurrente se veut simple : Noël est célébré avant tout pour les enfants. Le sapin, les lumières et les cadeaux sont perçus comme un rituel festif universel, détaché de toute dimension spirituelle, destiné uniquement à créer de la joie et des souvenirs.
Cette approche se distingue clairement des traditions musulmanes, où les fêtes religieuses ne sont pas centrées sur l’enfant de la même manière. L’Achoura, souvent citée en contrepoint, relève d’une symbolique différente, presque opposée, mais rappelle que la culture marocaine n’est pas étrangère aux moments dédiés aux plus jeunes.
La persistance de Noël s’explique aussi par des facteurs plus contemporains. La dimension commerciale et urbaine joue un rôle non négligeable : vitrines décorées, grandes surfaces, jouets et sapins en vente réinstallent chaque année l’imaginaire de Noël dans l’espace public. À cela s’ajoute l’effet de la mondialisation et des réseaux sociaux, où films, séries et images festives diffusent un modèle globalisé qui séduit particulièrement les nouvelles générations.
Mais cette célébration reste clivante. Ses détracteurs y voient l’expression d’un « complexe de colonisé » ou d’un attachement excessif à un héritage étranger, à l’image de l’usage du français dans certaines familles. À l’inverse, ses défenseurs revendiquent un choix intime, familial et dénué de toute portée idéologique. Deux visions irréconciliables, car elles touchent à l’identité, à l’histoire et à la liberté individuelle.
Au fond, Noël au Maroc dit surtout ceci : certaines coutumes résistent au temps, parce qu’elles relèvent du privé, de l’émotion et du choix personnel. Et il n’est peut-être ni utile ni légitime de vouloir les arbitrer.
*
Par Salma Semmar










Contactez Nous