Les Marocains qui traversent le détroit pour faire du shopping en Espagne connaissent bien le mot magique : détaxe. Sur le papier, le mécanisme est simple : le touriste non-résident de l’Union européenne récupère une partie de la TVA payée sur ses achats, à condition de ramener les biens chez lui. En pratique, l’expérience peut virer au parcours piégé, comme à l’aéroport de Malaga, où une zone grise se niche… dans la devise du remboursement.
Une procédure bien huilée… jusqu’à la caisse
À Malaga, comme dans tous les grands aéroports espagnols, la détaxe passe désormais par le système électronique DIVA : le voyageur fait ses achats, demande le formulaire électronique de détaxe au magasin, puis, le jour du départ, scanne ses documents sur les bornes dédiées avant d’enregistrer ses bagages. Si tout est en règle (passeport, tickets, biens non utilisés), le système valide la demande.
Une fois cette étape franchie, le touriste se rend au guichet de la société de détaxe ou de change partenaire (Global Blue, Planet, etc.) pour récupérer son argent. Le site officiel du tourisme espagnol est clair : le remboursement peut se faire en espèces (en euros), par carte bancaire, par chèque ou virement. Tourisme en Espagne Autrement dit, pour un achat effectué en euros sur le territoire espagnol, il est parfaitement logique – et légitime – de réclamer son remboursement… en euros.
C’est là pourtant que le bât blesse.
Quand la détaxe se transforme en mauvaise surprise
À deux reprises, à l’aéroport de Malaga, la même scène s’est répétée.
Après avoir scanné les tickets de détaxe, obtenu la validation électronique et franchi le contrôle de police, je me présente au guichet dédié pour récupérer en cash le montant de la TVA. Jusqu’ici, rien d’anormal : la procédure est prévue, l’autorisation des services compétents est accordée, le voyage est bien confirmé – condition normale pour s’assurer que les marchandises quittent effectivement l’Union européenne.
Mais au moment du remboursement, le discours change :
« On vous rembourse en dirhams ou en dollars, pas en euros. »
Le tout avec un taux de change très éloigné de la réalité, qui ampute le voyageur d’une partie non négligeable de son dû. Autrement dit, le touriste marocain, déjà consommateur, contribuable indirect via la TVA, devient en plus la variable d’ajustement d’une opération de change déguisée.
Lorsque l’on insiste fermement pour être remboursé en euros – ce qui est pourtant conforme à la règle et au bon sens – le ton change : les agents finissent par s’exécuter, mais à contrecœur, en protestant, en laissant clairement entendre qu’ils le font « à titre exceptionnel ».
Ce n’est ni un malentendu isolé, ni une erreur d’un jour de grande affluence : la scène s’est produite à deux reprises, selon le même scénario.
Un mécanisme proche des conversions forcées
Ce type de pratique s’apparente à ce que les spécialistes appellent la conversion dynamique de devise (Dynamic Currency Conversion) : proposer (ou imposer) au client une autre monnaie que la monnaie d’origine de la transaction, avec un taux moins favorable, au bénéfice de l’opérateur.
Dans le cas de la détaxe, le problème est double :
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Le touriste n’est pas clairement informé qu’il a le droit de demander un remboursement en euros.
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On lui présente le remboursement en dirhams ou en dollars comme une évidence, voire comme l’unique option, alors même que la réglementation espagnole prévoit explicitement la possibilité d’un paiement en euros.
Résultat : beaucoup de voyageurs acceptent, par méconnaissance ou par crainte de bloquer la file, une opération de change défavorable qui rogne sérieusement le bénéfice de la détaxe.
Un appel aux autorités espagnoles : respecter le droit des touristes
L’Espagne est l’une des premières destinations des touristes marocains, qu’il s’agisse de vacances, de week-end shopping ou de séjours familiaux. Ces visiteurs contribuent directement à l’économie de villes comme Malaga, Algeciras, Madrid, Barcelone ou Valence, en consommant dans les commerces, restaurants, hôtels et centres commerciaux.
En retour, ils ne demandent qu’une chose : le respect strict de leurs droits, y compris au moment de la détaxe.
À travers cette expérience vécue à Malaga, c’est un appel lancé :
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Aux autorités espagnoles, fiscales et touristiques, pour qu’elles s’assurent que les sociétés de détaxe et de change respectent les règles fixées par l’Agence fiscale, notamment sur la possibilité de remboursement en euros.
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À AENA, gestionnaire des aéroports espagnols, pour renforcer les contrôles sur ces pratiques et exiger une information claire, affichée en plusieurs langues, sur les droits des voyageurs.
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Aux sociétés de détaxe elles-mêmes, pour qu’elles cessent de transformer un service censé encourager le tourisme en opération financière opaque, au détriment des visiteurs.
Des touristes marocains vigilants, mais lassés
Les touristes marocains ne réclament pas un privilège, mais l’application d’un droit élémentaire :
être remboursés dans la monnaie dans laquelle ils ont payé, et sans être pénalisés par un taux de change imposé.
Il serait souhaitable que, dans un pays qui mise autant sur le tourisme et sur l’image de qualité de ses services, ce type de pratiques soit encadré, corrigé et clairement sanctionné lorsqu’il s’écarte des règles.
En attendant, un conseil s’impose à tous les voyageurs marocains :
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Demander explicitement un remboursement en euros.
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Refuser toute conversion imposée dans une autre devise si elle n’est pas souhaitée.
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Ne pas hésiter à faire remarquer calmement que la réglementation espagnole prévoit le remboursement en espèces en euros, ou à demander un responsable.
La détaxe ne doit pas devenir un piège de plus pour le touriste, mais rester ce qu’elle prétend être : un geste de bienvenue envers le visiteur étranger. À Malaga comme ailleurs, il est temps que les pratiques s’alignent enfin sur les textes, et que les touristes marocains soient traités avec le respect qu’ils méritent.










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