Dans un contexte bouleversé par les secousses d’un séisme récent, Actu-Maroc.com a eu l’opportunité d’interviewer Monsieur Abdelrhni Bensaid, le dynamique patron de LENOBLE Traiteur. Emblématique de la solidarité marocaine, sa réaction spontanée face à la tragédie a suscité l’admiration. Alors que la terre tremblait, sa première pensée a été vers la nécessité d’agir. Sa décision ? Mobiliser son entreprise pour préparer des brioches et gâteaux marocains et venir en aide aux régions les plus touchées. Au-delà des besoins essentiels, ces douceurs symbolisent le réconfort et la chaleur humaine. À travers cette interview, découvrez le parcours et les convictions d’un entrepreneur déterminé à faire la différence, rappelant ainsi l’importance de l’entraide et de la fraternité en ces temps difficiles.
Après cette brève introduction, plongeons dans l’interview poignante de Monsieur Abdelrhni Bensaid, qui nous dévoile ses sentiments, ses actions et sa vision de la solidarité face à cette tragédie
Monsieur Bensaid, bien que Rabat n’ait pas été directement à l’épicentre du séisme, les secousses ont été perceptibles. Comment avez-vous personnellement vécu ce moment et quelles émotions vous ont traversé ?
Lorsque le séisme a eu lieu, je me trouvais en plein milieu de la supervision d’un dîner officiel dans le jardin d’une grande résidence. Les convives venaient tout juste de terminer leur dîner et commençaient à se diriger vers l’intérieur de la résidence. Soudainement, je me suis senti chanceler, presque comme si j’allais perdre connaissance. Avec mes antécédents d’hypertension, ma première pensée a été que ma tension montait, car cela m’arrive parfois. Cependant, cette sensation de vertige a été suivie de près par des exclamations venant des serveurs et des invités. Ils criaient que la terre avait tremblé. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ce n’était pas juste moi qui ressentais cet étourdissement, mais que nous avions effectivement ressenti les secousses d’un tremblement de terre.
Suite à cette expérience et en apprenant l’ampleur des dégâts dans les zones les plus touchées, qu’est-ce qui vous a poussé à prendre la décision de vous déplacer aux zones touchées et d’apporter votre aide ?
Lorsque les secousses ont frappé à Rabat, ma première préoccupation a été le bien-être de ma famille et de mes amis. Dès mon retour à la maison, j’ai immédiatement contacté mes proches par téléphone, et c’était un grand soulagement d’apprendre qu’ils étaient tous en sécurité. Néanmoins, j’ai été rapidement informé de la gravité de la situation à Marrakech et dans la région d’Al Haouz, où les conséquences humaines et matérielles étaient considérables.
C’est mon épouse qui, le soir même de la tragédie, a évoqué l’idée d’apporter notre soutien aux victimes. L’idée a rapidement pris racine et, dès le lendemain matin, nous avons informé notre personnel de la nécessité d’agir dans l’esprit de solidarité qui nous caractérise. Nous avons ainsi décidé de préparer en grande quantité des brioches, des gâteaux marocains à base d’amande et des sablés. Simultanément, nous avons lancé un appel à la solidarité sur la page Facebook de LENOBLE.
À ma grande joie et gratitude, des membres de notre famille, des amis, et même certains de nos clients ont répondu présents en contribuant avec divers produits alimentaires, des couches pour enfants et adultes, des couvertures et bien d’autres articles essentiels. Ce qui m’a le plus touché, c’est la rapidité et la générosité de cette réponse collective. Une véritable manifestation de solidarité qui m’a renforcé dans ma conviction que, face à la tragédie, nous sommes plus forts ensemble.
Pouvez-vous nous décrire la composition de votre convoi et ce que vous avez ressenti en choisissant les éléments à apporter ?
Lorsque j’ai proposé l’idée de confectionner des brioches et des gâteaux pour les sinistrés, l’engouement et la détermination de toute mon équipe m’ont profondément touché. Chaque membre s’est rapidement engagé, mettant tout son cœur à l’ouvrage, et beaucoup ont exprimé le souhait d’accompagner le convoi, désireux d’être au plus près de nos compatriotes en détresse.
Dans la composition de notre convoi, tout en essayant de couvrir les besoins essentiels, nous avons veillé à ajouter une touche de douceur et de réconfort. Nos deux camions étaient remplis de produits alimentaires indispensables, d’eau minérale, de lait, de couches pour les bébés, de couvertures pour affronter le froid, ainsi que de vêtements pour tous les âges. Et bien sûr, les brioches et les gâteaux, qui, même si ils semblent simples, peuvent apporter une chaleur humaine et un sourire dans ces moments de grande détresse.
Ce qui m’a frappé pendant cette mobilisation, c’est l’importance des petits gestes. Alors que répondre aux besoins essentiels est crucial, un simple gâteau peut symboliser l’espoir et offrir un instant de douceur.
Il est important de mentionner, avec toute humilité, que LENOBLE Traiteur, malgré sa contribution, n’est qu’un petit donneur face à la magnanimité de certains de nos confrères et d’autres organisations qui ont apporté des aides massives. Cette solidarité collective, à différentes échelles, montre la véritable essence du Maroc et de son peuple.
La solidarité est une valeur forte au Maroc. Comment pensez-vous que les gestes individuels et collectifs peuvent faire une différence dans des moments aussi difficiles que ceux vécus après ce séisme ?
Au Maroc, la solidarité n’est pas seulement une valeur; elle est profondément enracinée dans notre culture et nos traditions. Prenons l’exemple des cérémonies funéraires. Lorsqu’un être cher nous quitte, la communauté se réunit et organise des cérémonies pendant les trois jours suivant le décès. Durant ces journées, des plats sont servis aux personnes venues témoigner de leur compassion. Ce n’est pas tant une question d’alimentation, mais plutôt une manière pour la communauté de soutenir la famille endeuillée, lui permettant de se recueillir sans se soucier des préparatifs. Et dans la plupart des cas, ce sont les voisins et la famille qui prennent l’initiative de préparer ces repas.
Face au séisme et à ses tragiques conséquences, nous sommes guidés par cette même notion de solidarité. Nous considérons chaque Marocain comme un membre de notre grande famille. Et tout comme nous soutiendrions une famille en deuil, il est de notre devoir de soutenir nos compatriotes sinistrés. C’est dans cet esprit que nous nous sommes mobilisés pour leur apporter notre aide. Car dans ces moments difficiles, venir en aide ne signifie pas seulement apporter des biens matériels, mais aussi partager un sentiment de compassion, de fraternité, et de soutien mutuel. C’est cette solidarité collective qui, je crois, fait toute la différence, offrant un peu de réconfort et d’espoir en des temps sombres.
Y a-t-il eu des moments ou des rencontres pendant votre voyage qui ont renforcé votre conviction de l’importance de cette initiative de solidarité ?
Chaque étape de notre voyage a été un témoignage poignant de la profonde solidarité qui unit les Marocains. Dès notre départ à l’aube, alors que les premières lueurs du jour éclairaient peine l’horizon, j’ai été frappé par une vision émouvante. Sur l’autoroute, notre convoi n’était pas seul dans cette mission de compassion. De nombreux véhicules, des camions aux voitures, chargés à bloc et arborant fièrement le drapeau marocain, se dirigeaient également vers les zones touchées par la catastrophe. C’était une véritable marée de solidarité en mouvement, une démonstration d’amour et de soutien qui a d’ailleurs été saluée à l’échelle internationale. Cette vision m’a rappelé à quel point les Marocains sont uniques, se rassemblant instinctivement en des moments de crise, de joie ou de défis, Hamdoullah.
J’ai délibérément choisi de ne pas me diriger vers la région d’Al Haouz, anticipant, à juste titre, qu’elle serait submergée par la générosité des bienfaiteurs. Au lieu de cela, j’ai pris la route d’Imintanout, dans la commune de Chichaoua. Bien que moins médiatisée, cette région a aussi profondément souffert du séisme. Grâce à la guidance d’un ami, président d’une association locale, nous avons pu rencontrer et échanger avec les résidents de cinq douars nichés dans les montagnes (Touzountan, Agaouz, Tabratjoud, Awinass, Skrat).
À chaque étape, malgré la douleur et la perte, l’accueil chaleureux des habitants était indescriptible. Les hommes, femmes et enfants, malgré les épreuves, ne manquaient pas de nous offrir un verre de thé, symbole intemporel de l’hospitalité marocaine. Ces rencontres, loin de l’épicentre médiatique, mais au cœur même de la tragédie, m’ont profondément marqué. Voir leurs visages s’éclairer, leur gratitude sincère, m’a conforté dans la conviction que notre initiative, aussi modeste soit-elle à l’échelle de la tragédie, avait son importance.
En tant qu’entrepreneur et patron de Traiteur LENOBLE, avez-vous déjà engagé votre entreprise dans des actions de solidarité similaires par le passé? Et comment percevez-vous le rôle des entreprises dans la société, particulièrement lors d’événements aussi tragiques que celui-ci ?
Face à la responsabilité sociétale des entreprises, chez Traiteur LENOBLE, nous croyons fermement que notre rôle dépasse la simple quête de profit. En périodes tragiques, nous nous percevons comme un soutien essentiel pour la communauté, et notre capacité à mobiliser des ressources est un moyen concret d’assister ceux en détresse. La solidarité, pour nous, est à la fois une valeur et un engagement profond. D’ailleurs, LENOBLE traiteur s’est déjà distingué par ses multiples actions sociales, culturelles et artistiques. Nous avons notamment lancé en 2010 l’opération « Ftours du cœur ». Chaque Ramadan, nous dressons un chapiteau et accueillons près de 1000 personnes pour partager la rupture du jeûne. Ces initiatives, menées avec l’aide précieuse de bénévoles, renforcent le lien précieux entre notre entreprise et la société.
Monsieur Bensaid, avant de conclure notre entretien, y a-t-il un message ou une réflexion personnelle que vous aimeriez partager avec nos lecteurs ?
Bien sûr, et merci de m’offrir cette opportunité. Je crois fermement que dans les moments les plus sombres, c’est notre capacité à nous rassembler en tant que communauté qui fait briller la lumière de l’espoir. Chaque geste, aussi petit soit-il, peut faire une grande différence dans la vie de quelqu’un d’autre. Alors que la générosité des Marocains a été si abondante et que les régions touchées par le séisme sont bien approvisionnées en dons, je propose de rediriger notre attention vers les montagnards du Moyen Atlas. À la veille de l’hiver rigoureux, ils pourraient grandement bénéficier de notre soutien, et je suis sûr qu’ils accueilleraient cette aide avec joie.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à tous ceux qui ont contribué à cette formidable action de solidarité. Vos efforts n’ont pas seulement apporté un réconfort immédiat aux nécessiteux, mais ont aussi permis au Maroc de briller sur la scène internationale. Nos actes collectifs de compassion et d’entraide ont valu au Maroc le titre de « Champion du Monde de la solidarité », une reconnaissance qui met en lumière la chaleur et la générosité de notre nation.
Je lance cet appel, confiant qu’il trouvera écho parmi ceux qui cherchent encore comment contribuer. Je souhaite que nous n’attendions pas les tragédies pour nous montrer solidaires. Que chaque jour, nous cherchions des moyens d’aider, de soutenir et d’aimer notre prochain. La solidarité et la compassion sont le ciment de toute société prospère. J’invite chacun de nos compatriotes à incarner ces valeurs, car ensemble, nous pouvons surmonter les plus grands défis.
Je ne peux terminer cet entretien sans saluer le travail inlassable et les orientations justes de notre souverain, Mohamed VI, qui a toujours été un phare dans les moments délicats, guidant le royaume avec sagesse et compassion.