L’enseignement privé au Maroc cristallise les tensions et suscite un rejet grandissant chez une majorité de parents d’élèves. Perçu comme un substitut imposé par l’effondrement progressif de l’école publique, il est souvent décrit non sans amertume comme « un mal nécessaire » auquel de nombreuses familles consentent par défaut, au prix de lourds sacrifices.
Les griefs ne se limitent pas aux frais de scolarité excessifs. C’est toute une logique commerciale qui est pointée du doigt. Aujourd’hui, les écoles privées opèrent en véritables groupes structurés, couvrant tous les cycles scolaires, de la crèche à l’université. Ces établissements s’adossent à des partenariats internationaux – France, Espagne, Angleterre – qui servent davantage d’arguments marketing que de réels tremplins académiques. Derrière les promesses d’excellence, nombreux sont les parents à déchanter face à une réalité bien éloignée des slogans séduisants.
Le cœur du malaise réside dans l’ambiguïté du rôle du ministère de l’Éducation nationale, accusé de passivité complice. En laissant libre cours à un libéralisme non régulé, l’État abdique son rôle de régulation : aucune intervention sur les barèmes tarifaires, qui explosent chaque rentrée sans concertation, ni contrôle sur les frais annexes (voyages scolaires, activités para-éducatives, fournitures imposées…).
Pire encore, l’irrégularité des contenus pédagogiques, les inégalités d’encadrement, les ventes forcées de manuels et les cours de soutien devenus quasi obligatoires ajoutent à l’exaspération. Les conflits entre parents et écoles privées se soldent de plus en plus souvent devant les tribunaux.
La solution ne peut se limiter à un simple encadrement ponctuel. C’est tout un modèle à repenser. Un nouveau cadre juridique s’impose pour redéfinir l’enseignement privé au Maroc, avec des frais de scolarité plafonnés, des garanties pédagogiques claires, et un rôle actif de l’État dans la tutelle, l’évaluation et la régulation. Faute de quoi, le système éducatif privé continuera d’alimenter le ressentiment, la défiance et la fracture sociale.