C’est une première historique en Espagne : les ouvrières agricoles marocaines embauchées dans le cadre du dispositif de migration circulaire viennent de constituer leur propre structure syndicale. Une initiative rendue publique le samedi 4 mai 2025, en plein écho des revendications sociales du 1er mai, et portée par le collectif Jornaleras de Huelva en Lucha et le syndicat andalou SOA (Sindicato Obrero Andaluz). Elle marque un tournant dans l’histoire de la contractualisation entre le Maroc et l’Espagne en matière de travail saisonnier.
La création de cette section syndicale, première du genre initiée directement par des travailleuses migrantes marocaines sur le sol espagnol, s’inscrit dans un processus de lutte pour la reconnaissance et la protection de leurs droits. Ces femmes, venues majoritairement des zones rurales du Maroc, sont engagées dans les campagnes de récolte de fraises, myrtilles ou framboises à Huelva, dans le cadre de contrats de courte durée encadrés par l’Ordre Gecco – un dispositif binational reposant sur un retour obligatoire au pays après chaque saison.
Leur profil est bien connu : peu ou pas instruites, sans maîtrise de l’espagnol, attachées à leur famille restée au Maroc. Autant de facteurs qui, pendant des années, ont contribué à les maintenir dans une forme d’invisibilité sociale et juridique, accentuée par des conditions de vie précaires et un accès quasi inexistant aux recours en cas d’abus.
Mais la donne semble changer. Cette structuration syndicale a été accompagnée de l’annonce d’une première procédure de réclamation pour licenciement abusif, lancée depuis le Maroc par une ouvrière sous contrat saisonnier. Une action qui pourrait faire jurisprudence dans un système où les marges de contestation ont longtemps été neutralisées par la précarité et la peur.
Après des années de dénonciations de conditions de logement indignes, de salaires impayés et de violations contractuelles, cette prise de parole collective rompt le silence. Elle ouvre la voie à une nouvelle ère d’organisation, d’autonomie et de solidarité pour ces femmes longtemps considérées comme des travailleuses jetables.
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