Une affaire tragique secoue actuellement l’Espagne et suscite une vague d’indignation, notamment au sein de la communauté marocaine. À Torrejón de Ardoz, dans la région de Madrid, Abderrahim, un homme d’origine marocaine, est mort par étouffement, après avoir été maintenu par le cou durant près d’un quart d’heure par un policier municipal en service, sous les yeux de plusieurs témoins.
Les faits se sont déroulés dans des circonstances troubles. Selon plusieurs témoins cités par Gran Madrid, l’agent de 59 ans et un autre homme à la retraite, âgé de 60 ans, présentaient des signes manifestes d’ivresse. Des tests d’alcoolémie ont confirmé cette hypothèse, ajoutant à la gravité des accusations.
Les témoins racontent que l’agent a immobilisé Abderrahim au sol à l’aide d’une prise d’étranglement, malgré les cris des passants :
« Laissez-le tranquille, vous allez le tuer ! »
Le policier a pourtant maintenu sa pression entre 10 et 15 minutes, causant la mort par asphyxie de la victime.
Face à l’émoi suscité par ce drame, la mairie de Madrid a annoncé une procédure disciplinaire. L’agente municipale Inmaculada Sanz, adjointe au maire et chargée de la sécurité, a confirmé que le policier avait été suspendu de ses fonctions dans l’attente des conclusions de l’enquête judiciaire. Mais cette suspension reste partielle, puisqu’il continuera à percevoir son salaire de base, sans les primes.
Une décision qui a du mal à passer auprès de nombreux citoyens, qui y voient une forme de tolérance injustifiable face à un usage excessif de la force, d’autant plus que le policier est actuellement poursuivi pour homicide involontaire par négligence.
Le tribunal d’instruction de Torrejón de Ardoz a décidé de libérer l’agent sous conditions : il devra remettre son passeport et se présenter chaque semaine au tribunal.
La famille de la victime, anéantie, a confié à la presse vouloir se constituer partie civile. Elle a également déclaré être en contact avec le consulat du Maroc, qui l’aide à trouver un avocat afin d’engager des poursuites. Ce soutien consulaire pourrait transformer l’affaire en dossier diplomatique, notamment si les circonstances de l’intervention policière sont jugées disproportionnées.
La mort d’Abderrahim ravive les débats sur les abus de pouvoir au sein de certaines forces de l’ordre en Espagne. La question de l’usage disproportionné de la force, conjuguée à la consommation d’alcool par des agents, soulève des inquiétudes profondes. L’émotion est d’autant plus vive qu’il s’agit d’un homme sans arme, maîtrisé à mort dans l’espace public.
La question que beaucoup se posent désormais est celle de la réciprocité. Que se serait-il passé si un policier marocain avait étranglé à mort un citoyen espagnol dans les mêmes circonstances ? Peut-on imaginer l’Espagne faire preuve de la même patience judiciaire, suspendre l’agent tout en continuant de le rémunérer, ou encore lui accorder une liberté sous condition dans l’attente du procès ? La réponse semble évidente, tant la pression diplomatique, médiatique et judiciaire aurait été immédiate et intense.
Ce parallèle n’a pas pour but d’attiser les tensions, mais de rappeler un principe fondamental de justice universelle : l’égalité devant la loi, quels que soient l’origine, le statut ou la nationalité de la victime. Abderrahim, citoyen marocain, mérite que la mort qui lui a été infligée dans des conditions aussi choquantes soit traitée avec le même sérieux que s’il avait été un Européen.
À ce titre, il est légitime de s’interroger sur les mesures prises jusqu’ici. La suspension partielle de l’agent, son maintien de salaire, et surtout sa liberté sous contrôle judiciaire, malgré des faits aussi graves et des témoignages accablants, apparaissent difficilement compréhensibles aux yeux d’une opinion publique qui réclame justice, pas indulgence.
Dans un État de droit, le respect de la vie humaine ne souffre aucun compromis. Et lorsqu’un agent des forces de l’ordre, sous l’emprise de l’alcool, provoque une mort par asphyxie au mépris des alertes des témoins, sa place est en détention provisoire, en attendant qu’il réponde pleinement de ses actes devant la justice. C’est là le minimum que réclame non seulement la famille d’Abderrahim, mais aussi le principe d’égalité devant la loi que les sociétés démocratiques se doivent d’incarner.