Un simple selfie, un geste anodin devenu courant à l’ère des réseaux sociaux, a suffi à déclencher une avalanche de réactions. Le ministre marocain du Transport et de la Logistique, Abdelssamad Qaiouh, s’est retrouvé au cœur d’une controverse après avoir publié une photo « selfie » prise avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan, en marge du Forum mondial de la connectivité dans les transports, tenu à Istanbul du 27 au 29 juin.
À la tête de la délégation marocaine à cet événement de haut niveau – organisé par le ministère turc des Transports et des Infrastructures, en partenariat avec la Banque mondiale – le ministre était censé incarner le sérieux de la diplomatie sectorielle du Royaume dans un cadre multilatéral sensible. Pourtant, ce geste, jugé trop léger pour les standards protocolaires, a été perçu par de nombreux observateurs comme une erreur de jugement.
Sur les réseaux sociaux, les critiques se sont multipliées, accusant le ministre de nuire à l’image institutionnelle du gouvernement marocain. Certains internautes y ont vu une tentative maladroite de briller personnellement lors d’un événement qui appelait à la retenue diplomatique. « Un ministre ne fait pas la file pour un selfie, encore moins avec un chef d’État étranger, aussi influent soit-il », peut-on lire dans de nombreux commentaires indignés.
Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un responsable marocain se retrouve au centre d’un débat similaire. En 2018, l’ancien chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani, avait lui aussi suscité une vive controverse après avoir exprimé, de manière particulièrement enthousiaste, son admiration en saluant le président russe Vladimir Poutine en marge du Sommet Russie-Afrique à Sotchi. Un comportement jugé excessif par certains observateurs, qui y ont vu l’attitude peu mesurée d’un responsable politique semblant se réjouir comme un enfant face à une figure de stature internationale. Ce geste, largement relayé par les caméras, avait été perçu comme un manque de retenue diplomatique, voire comme un signe d’alignement implicite dans un contexte géopolitique tendu.
Ces épisodes traduisent une question plus profonde sur la gestion de l’image publique à l’ère numérique, où chaque geste, chaque publication, peut être amplifié et interprété au prisme du positionnement politique et de la diplomatie officielle. Les ministres et hauts responsables ne sont plus seulement des acteurs politiques : ils deviennent aussi des figures publiques sous surveillance constante, tant au niveau national qu’international.
Si certains estiment que ces gestes traduisent une volonté de proximité et d’ouverture, d’autres rappellent que la diplomatie, même sectorielle, ne peut s’improviser à coups de selfies. Elle exige rigueur, maîtrise du cadre, et surtout respect des symboles qu’incarnent les fonctions ministérielles.