Les relations déjà fragiles entre la France et l’Algérie viennent de connaître une nouvelle escalade diplomatique. Selon des sources diplomatiques françaises, Alger a convoqué dimanche le chargé d’affaires de l’ambassade de France à Alger pour lui notifier une nouvelle vague d’expulsions visant des fonctionnaires français en mission temporaire sur le territoire algérien. Le nombre exact n’a pas été officiellement confirmé, mais le quotidien Le Figaro parle de quinze agents, principalement affectés au service des visas, qui devront être rapatriés « immédiatement », à la demande des autorités algériennes.
Procédures violées ou représailles calculées ?
Du côté algérien, la décision a été relayée par l’Agence de presse officielle (APS), en l’absence de toute communication formelle du ministère des Affaires étrangères. Alger accuse Paris de “manquements flagrants et répétés” aux règles régissant la désignation d’agents diplomatiques et consulaires. Plus précisément, il est reproché à la France d’avoir déployé ces quinze agents sans notification officielle ni demande d’accréditation préalable, en infraction avec les procédures diplomatiques en vigueur.
Un reproche qui tombe à un moment sensible, alors que Paris bloque depuis plus de cinq mois l’agrément de neuf diplomates algériens, dont deux consuls généraux nommés pour Paris et Marseille, et sept autres consuls toujours en attente de validation. Le ton monte donc des deux côtés de la Méditerranée.
Retour de flamme d’une crise installée
Cette dernière décision d’Alger s’inscrit dans un climat de tensions persistantes entre les deux pays. En avril déjà, les autorités algériennes avaient expulsé douze fonctionnaires français du ministère de l’Intérieur, peu après l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien. Paris avait immédiatement répliqué en expulsant à son tour douze diplomates algériens, avant de rappeler son ambassadeur à Alger, Stéphane Romatet, pour consultations.
Ce jeu de refoulements croisés montre bien que la crise n’est pas conjoncturelle, mais désormais structurelle. Les canaux de dialogue semblent grippés, et les actes symboliques ont pris le pas sur la diplomatie traditionnelle.
Le visa, épicentre des tensions
Le secteur des visas, point de friction récurrent dans les relations bilatérales, apparaît à nouveau comme l’un des déclencheurs de cette nouvelle passe d’armes. En 2021, déjà, Paris avait réduit drastiquement l’octroi de visas aux ressortissants algériens, accusant Alger de ne pas coopérer sur le retour de ses ressortissants en situation irrégulière. Depuis, la question des affectations dans les consulats et le traitement des demandes de visa reste hypersensible.
Une crise aux multiples dimensions
Plus que des simples différends administratifs, c’est une méfiance politique profonde qui mine désormais les liens franco-algériens. Les contentieux mémoriels, les déclarations mal interprétées, le contrôle des diasporas, et les enjeux géostratégiques autour du Sahel et de la Méditerranée, forment une toile de fond explosive, que les récents gestes diplomatiques ne cessent de raviver.
À ce jour, aucun signe d’apaisement n’est perceptible, et les observateurs redoutent une rupture durable du dialogue, dans un contexte où la coopération sur de nombreux dossiers (sécurité, migration, économie) demeure pourtant vitale pour les deux pays.
Par Salma Semmar