Alors que le Maroc entrevoyait 2025 comme une année record en matière de flux touristiques, les espoirs de croissance se heurtent désormais à une nouvelle réalité géopolitique. La guerre ouverte entre Israël et l’Iran, avec son potentiel d’escalade régionale et d’impacts mondiaux, plonge le secteur touristique marocain dans l’incertitude, à l’image du secteur aérien international qui revoit déjà ses prévisions à la baisse.
À l’instar des compagnies aériennes qui s’inquiètent d’une dégradation rapide du trafic et de possibles restrictions ou suspensions de vols, le tourisme marocain craint un scénario de repli brutal, notamment de la part des grands marchés émetteurs comme la France, l’Espagne ou l’Allemagne. Ces pays représentent plus de 70 % des visiteurs étrangers du Royaume. Une désaffection de leur part, même temporaire, aurait un impact direct sur les revenus du secteur, qui représente près de 7 % du PIB national.
L’histoire récente du tourisme marocain rappelle à quel point le secteur est vulnérable aux chocs extérieurs. Le souvenir de la guerre du Golfe en 1990 plane, cette période ayant été l’une des plus sombres pour le tourisme dans le pays. À cela s’ajoute la crise du Covid-19, qui avait mis à genoux l’ensemble de l’écosystème touristique pendant près de deux ans.
Outre les contraintes économiques, le Maroc fait face à un risque d’amalgame régional. Bien que le Royaume soit éloigné géographiquement du foyer du conflit, la perception internationale – notamment dans les médias et auprès des touristes occidentaux – tend à globaliser le danger sur l’ensemble de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Une telle confusion pourrait dissuader les touristes les plus frileux, même en l’absence de menace directe.
Face à cette situation, les autorités et les opérateurs touristiques sont appelés à renforcer leur vigilance. Des plans d’urgence sont en cours d’élaboration pour préparer des réponses rapides en cas de repli des réservations. Mais au-delà des mesures de crise, c’est aussi une occasion de réfléchir à la résilience structurelle du tourisme marocain.
Trois axes stratégiques émergent :
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La diversification des marchés émetteurs, en se tournant vers l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine pour réduire la dépendance au marché européen ;
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L’encouragement du tourisme interne, qui a montré sa pertinence durant la pandémie ;
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Le développement du tourisme de niche (écotourisme, tourisme spirituel, tourisme médical) moins sensible aux variations géopolitiques globales.
En conclusion, si une guerre-éclair annoncée par les États-Unis venait à provoquer un désordre généralisé, le Maroc devra réagir vite pour amortir le choc. Car plus que jamais, le tourisme reste un pilier économique stratégique, qui ne peut se permettre d’être pris de court face à des crises qui dépassent ses frontières.
Par Salma Semmar