La Banque africaine de développement (BAD) veut faire de l’intelligence artificielle un accélérateur concret et mesurable de croissance sur le continent. Dans un rapport publié ce 15 décembre 2025, l’institution avance un chiffre qui frappe : jusqu’à 1 000 milliards de dollars de PIB additionnel d’ici à 2035, à condition que le déploiement de l’IA soit inclusif et appuyé par une stratégie cohérente.
Intitulé « Africa’s AI Productivity Gain: Pathways to Labour Efficiency, Economic Growth and Inclusive Transformation », le document, élaboré dans le cadre du Groupe de travail du G20 sur la transformation numérique, se présente comme une feuille de route pour transformer l’enthousiasme autour de l’IA en gains de productivité, en emplois de qualité et en services publics plus efficaces.
Des gains concentrés là où l’IA peut “changer la donne”
Le rapport prévient : l’impact ne sera pas uniforme. Les gains devraient se concentrer dans quelques secteurs à fort effet de levier, identifiés comme prioritaires : agriculture (20 %), commerce de gros et de détail (14 %), industrie manufacturière et Industrie 4.0 (9 %), finance et inclusion (8 %), santé et sciences de la vie (7 %). À eux seuls, ces cinq moteurs pourraient capter 58 % des gains liés à l’IA, soit environ 580 milliards de dollars d’ici à 2035.
Derrière ces chiffres, une lecture stratégique : l’Afrique n’a pas besoin d’une IA “vitrine”, mais d’une IA “utile” — qui aide à produire mieux, à vendre mieux, à diagnostiquer plus tôt, à financer plus largement, et à absorber les chocs sur les chaînes de valeur.
Les cinq clés : données, calcul, compétences, confiance, capital
La BAD insiste sur une équation simple : pas de miracle sans fondations. Pour “libérer” le potentiel de l’IA, le rapport retient cinq facteurs interdépendants : les données, la puissance de calcul, les compétences, la confiance (gouvernance et régulation), et le capital (investissements pour réduire le risque et accélérer le déploiement).
Dans ce schéma, tout se tient : des données fiables nourrissent les modèles, une infrastructure de calcul permet de passer à l’échelle, une main-d’œuvre qualifiée conçoit et maintient les systèmes, des règles claires construisent la confiance, et le financement donne la vitesse.
La BAD promet d’investir, mais appelle à une mobilisation collective
Le message de la Banque est clair : elle se dit prête à soutenir financièrement les actions clés, tout en avertissant que la réussite dépendra aussi de l’État et du secteur privé. « Nous avons défini les actions clés… la Banque est prête à investir… », affirme Nicholas Williams, responsable des opérations TIC à la BAD, en misant sur un effet d’entraînement vers des gains de productivité et des emplois de qualité.
Même tonalité du côté d’Ousmane Fall : le continent n’est plus au stade du “quoi faire”, mais du “quand et comment le faire”. Le rapport pousse à agir vite, sans perdre la fenêtre d’opportunité.
Une feuille de route en trois temps, jusqu’au passage à l’échelle
Le document propose une trajectoire en trois phases : démarrage (2025–2027), consolidation (2028–2031), puis passage à l’échelle (2032–2035). L’enjeu : éviter les annonces sans lendemain, structurer l’écosystème, puis industrialiser les usages quand les prérequis seront en place.
Au fond, la BAD pose une question politique autant qu’économique : l’IA sera-t-elle un outil de rattrapage et d’inclusion, ou un accélérateur d’inégalités entre territoires connectés et zones laissées derrière ? La réponse ne dépend pas d’algorithmes “importés”, mais d’un choix collectif : investir, réguler, former — et transformer l’essai.










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