Dans un contexte diplomatique tendu, marqué par huit mois d’une crise sans précédent entre la France et l’Algérie, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est arrivé ce dimanche à Alger pour une visite de travail hautement stratégique. Objectif : poser les bases d’une relance bilatérale ambitieuse, axée sur des résultats concrets dans les domaines les plus sensibles de la relation franco-algérienne.
Accompagné de Romaric Roignan, nouveau directeur pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient au Quai d’Orsay, Barrot entame une série de discussions avec son homologue algérien Ahmed Attaf pour « concrétiser » la reprise du dialogue entre les deux pays, conformément à la volonté politique affirmée cette semaine par les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune.
Une reprise après une crise inédite
La rupture des relations diplomatiques avait été frôlée à l’été 2024, notamment après le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris. Plusieurs sujets avaient contribué à envenimer les relations : la position assumée de la France en faveur du plan d’autonomie marocain pour le Sahara, le refus par Alger de réadmettre certains de ses ressortissants sous obligation de quitter le territoire français, ainsi que la condamnation jugée arbitraire par Paris de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu depuis novembre 2024.
Migration, visas et justice au cœur des discussions
Au centre des échanges figure le dossier migratoire. Paris attend des autorités algériennes qu’elles respectent les dispositions de l’accord bilatéral de 1994, qui prévoit la réadmission sur le sol algérien des ressortissants expulsés de France. Actuellement, le taux de délivrance des laisser-passer consulaires ne dépasse pas 40 %, un chiffre que la France juge insuffisant.
Dans ce cadre, la reprise des contacts entre les préfectures françaises et les consulats algériens est déjà en cours, afin d’accélérer les procédures de réadmission. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a rappelé cette semaine son souhait de voir l’Algérie « appliquer strictement » cet accord.
Par ailleurs, la question des visas diplomatiques, suspendus pour certains hauts responsables algériens durant la crise, est également à l’ordre du jour. La France pourrait lever certaines restrictions si les relations se normalisent.
Le cas Boualem Sansal : un test de bonne volonté
Autre sujet épineux : l’affaire Boualem Sansal. L’écrivain, âgé et malade, a été condamné à cinq ans de prison en novembre dernier. Emmanuel Macron a récemment plaidé pour « une issue humanitaire ». Jean-Noël Barrot a qualifié sa détention de « sans fondement », mais le parquet algérien ayant également fait appel, la possibilité d’une grâce présidentielle reste incertaine.
Vers un calendrier commun de coopération
La visite de Jean-Noël Barrot vise à établir un calendrier de mise en œuvre d’un programme de travail bilatéral « ambitieux et opérationnel », selon Christophe Lemoine, porte-parole du Quai d’Orsay. Des objectifs communs seront définis dans une logique « d’efficacité et de résultats ». Elle prépare également le terrain pour la visite prochaine du ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, afin de relancer la coopération judiciaire.
Le retour annoncé de l’ambassadeur algérien à Paris pourrait venir sceller cette volonté de normalisation, et marquer une nouvelle ère dans les relations franco-algériennes. Mais ce redémarrage dépendra étroitement de la capacité des deux pays à passer des mots aux actes, dans le respect mutuel de leurs sensibilités et intérêts stratégiques.
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