Les relations déjà fragiles entre la France et l’Algérie connaissent un nouvel accès de tension. Mardi, l’Élysée a annoncé une mesure de réciprocité inédite : l’expulsion de douze agents appartenant au réseau consulaire et diplomatique algérien en poste en France. Cette décision survient en représailles à l’annonce, dimanche dernier, par Alger, de l’expulsion de douze fonctionnaires français du ministère de l’Intérieur en poste en Algérie, qualifiés de « persona non grata ».
Dans son communiqué, la présidence française ne cache pas sa « consternation » face à ce qu’elle qualifie de « dégradation brutale des relations bilatérales », déplorant une attitude « injustifiée et incompréhensible » de la part des autorités algériennes. Cette escalade survient à peine deux semaines après un appel téléphonique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, censé marquer une reprise du dialogue entre les deux chefs d’État.
La décision algérienne serait, selon Alger, une réponse directe à l’interpellation en France, puis à la mise en détention, d’un agent consulaire algérien. Une arrestation que les autorités algériennes considèrent comme une atteinte grave à leur souveraineté. Paris, de son côté, rappelle que ses procédures judiciaires ont été menées dans le respect du droit et sans aucune volonté d’outrage diplomatique.
Au-delà de ce différend consulaire, cette crise illustre une tension récurrente entre les deux pays, exacerbée ces dernières années par des contentieux sur des sujets sensibles : mémoire coloniale, gestion des flux migratoires, coopération sécuritaire, et plus récemment, les ingérences supposées d’Alger dans les affaires de la diaspora algérienne en France. À plusieurs reprises, Emmanuel Macron avait déjà dénoncé « un système politico-militaire algérien crispé sur son passé », ce qui avait suscité l’ire d’Alger.
La France a également annoncé le rappel pour consultations de son ambassadeur à Alger, Stéphane Romatet, une mesure diplomatique rare qui souligne la gravité de la situation. Paris appelle cependant Alger à « faire preuve de responsabilité » et insiste sur « l’intérêt partagé de reprendre le dialogue ».
Sur le plan stratégique, cette brouille pourrait avoir des répercussions sur les dossiers clés de la coopération bilatérale, notamment en matière migratoire, énergétique, et sécuritaire. L’Algérie, partenaire énergétique important pour l’Europe, pourrait utiliser ses leviers pour faire pression, tandis que la France pourrait revoir certaines de ses facilités administratives envers les ressortissants algériens.
Alors que les douze agents français expulsés sont déjà « en route pour la France », selon une source diplomatique, le climat entre Paris et Alger semble entrer dans une phase de glaciation qui pourrait durer, sauf si des gestes forts de part et d’autre sont faits dans les jours à venir.
Par Salma Semmar